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GILLION, LE CROISE DU SOUDAN

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Pièce d'Eddy Piron

[DIEU SEUL LE SAIT,...] [2010 CITE CARTON] [DES QUESSES ET DES MESSES] [DJIZONDHEID, KIP CUEILLETTE ET CHAMPETRE] [EN ATTENDANT LEO] [GILLION, LE CROISE DU SOUDAN] [LA STAR ET LE PAPARRAZZI] [LA TETE SUR UN PLATEAU] [LES EBOUEURS PASSENT AUJOURD'HUI] [NOEL AU QUATRIEME] [SI POSSIBLE SANS MARI] [TOUT A GAGNER]

 

Gillion - Marie d'Estrevant -Anacréon -Herrad -Amaury -Jehanne -Le tavernier -Gracienne -Le roi Soudan -Helmut, le mercenaire -Médina, la sorcière -Le marchand, Albert-Chef des bandits. -2 bandits masqués.

 Notice

 

Cette pièce est parfaitement adaptée à de grands sites ( théâtres, églises...)

Le décor se divise en trois parties.

 

ACTE 1

 

Marie dans son château. Elle discute avec sa dame de compagnie.

Elle se prépare à accueillir Gillion.

Herrad l'aide à préparer sa robe.

 

  • Scène 1

 

Marie: Aidez-moi à me faire belle, Herrad, ma dame d'honneur, ma confidente de tous les jours. Je veux que dans les yeux de mon Gillon, apparaissent les flammes du désir, les tourments de la passion ( elle fait de grands gestes)

 

Herrad:  Arrêtez de gesticuler de la sorte. Empressement à susciter le désir et précision dans l'élaboration de votre robe ne font pas très bon ménage.

 

Marie: Pardonnez-moi. Mais, je l'aime. Je l'aime.

 

Herrad: Et moi, je me pique, je me pique.

 

Marie: Plus vite

 

Herrad: Essayez de vous mouvoir.

 

Marie se séduit et fait la belle: Le torse est bien moulé. La robe en accentue le relief.

 

Herrad: J'ai préféré réduire la partie tombante de la manche à une étroite bande.

Un peu de liberté vestimentaire! On vit quand même au XIème siècle.

 

Marie: Les choses ont bien changé. Vive la modernité.

 

Herrad: C'est ce que pense un des vieux amis de mes parents, Orderic Vital.

 

Marie: Quel étrange nom.

 

Herrad : Oui. Vous préférez sa version latine.

 

Marie: qui est?

 

Herrad: Ordericus Vitalis.

 

Marie: Limitons-nous à sa version française

 

Herrad: il serait en effet dommage d'estropier le nom d'un si grand génie

 

 Il est étonnant que vous ne connaissiez par cet homme de haute culture. D'origine française, il naquit en Angleterre et est un des grands esprits de ce siècle. Je ne sais si cela est dû à sa facilité à appréhender plusieurs langues.

 

Toujours est-il que je considère cet homme comme un des esprits vraiment internationaux de notre époque. Aux dernières nouvelles, il est entré finalement dans les ordres.

 

Marie: C'est malheureusement le sort qui attend toujours les grands de ce monde. Pourquoi donc ces génies de notre temps éprouvent-ils toujours le besoin de confier à Dieu et son église la garde de leur savoir. Pourquoi ne le partagent-ils pas avec un peuple avide de connaissance.

 

Herrad: le peuple avide de savoir? Le peuple veut juste à manger. La culture des ses champs a bien plus d'importance que celle de son esprit.

 

Marie: Un jour, il finira par combattre et vaincre son ignorance.

 

Herrard: Et ce jour-là, les têtes de nobles dames comme vous rouleront sur les échafauds dressés par un peuple vengeur. Et puis que ferait le peuple des

considérations vestimentaires de ce brave Orderic?

 

Marie: Je suis persuadée que le peuple ne demande qu'à étancher sa soif de curiosité.

 

Herrad: A l'heure où notre belle cité de Trazegnies souffre de famine, je me vois mal m'exhiber sur la place publique et évoquer les habitudes vestimentaires de nos contemporaines et leur aspiration, parfois ostentatoire, au raffinement de leur toilette. 

 

Marie: Je suis persuadée que vous en avez le talent. Vous êtes une conteuse exceptionnelle. A l'époque de Platon, vous auriez été la première femme de théâtre. Jouez pour moi. Soyez pendant quelques instants Orderic.

Montez sur cette chaise

 

Herrad: Non.( elle refuse)

 

Marie: Je suis votre maîtresse. Obéissez. ( elle s'assied ) Emmenez-moi quelques instants dans les méandres de la pensée de votre Orderic.

 

 

Herrad: Si vous insistez. Mais je n'ai aucun talent.... ( elle se met à réciter)

En ces jours, la vieille coutume a été presque complètement bouleversée par de nouvelles inventions. La jeunesse folâtre ne rêve plus que de raffinements efféminés, les hommes flattent et honorent les femmes avec démesure et témérité.

 

A leurs orteils- les extrémités de leurs corps- ils adaptent quelque chose qui ressemble à une queue de serpent. Quant aux femmes, leur traîne est longue, inutile et ramasse la poussière par-dessus le marché, et de longues et larges

manches recouvrent leurs mains. Surchargés de toutes ces superfluités, les gens continuent d'aller et de venir, à peine capables de faire encore quoi que ce soit d'utile.

 

Marie: Ordicus a dit cela. Quel esprit éclairé. Oser évoquer le pourquoi de la vie.

 

Herrad: Je préfère ne pas y penser.

 

Marie: La réponse me paraît simple. On est sur Terre pour aimer. La vie est courte. Sur une quarantaine d'années, l'homme perd trop de temps à guerroyer. Si le monde appartenait aux femmes, la paix régnerait.

 

Herrad: A vous entendre, Maîtresse, la femme serait synonyme de pureté, de fidélité et de sagesse.

 

Marie: La femme, symbole de vie. Pour Gillon, je serai toujours une femme aimante, comme se doit de l'être chaque épouse.

 

Herrad: Vous avez la noblesse de rang et de cœur. Votre statut ne vous permet aucun écart de conduite.

 

Marie: Je sais. La gent masculine veille au grain, toujours prompte à bannir les femmes trop infidèles, trop amoureuses, trop passionnées. J'essaierai de ne jamais être à notre belle région de Hainaut ce que Sapho fut à la Grêce.

 

Herrad: Vous n'avez rien d'une Sapho. Vous n'aimez que les hommes , et Sapho, musicienne, poétesse et arbitre de l'élégance, n'aimait que les personnes de votre sexe.

 

Marie: Elle aimait tout simplement. Elle assuma jusqu'au bout son choix de vie, ses joies et ses malheurs. Une femme agissant de la sorte ne pouvait qu'attirer sur elle l'ire des hommes. Elle devait être si passionnée et aimer l'amour. Quelle

 

audace dans ses poèmes! . Si son ode à sa compagne Atthis a toujours gêné ses exégètes,  ce texte suscite toujours en moi émotion et tristesse.

"Mon Atthis n'est pas revenue sur ses pas..

Sincèrement, je veux mourir..

En versant des larmes abondantes, elle me quitta et me dit:

-Hélas..Combien terriblement je souffre.. O Sapho, c'est malgré moi que je te quitte. Et moi de lui répondre:

-Pars en joie, et de moi souviens-toi,

Car tu sais combien je t'ai choyée:

Mais, si tu l'as oubliée, je veux te rappeler

Tous les bonheurs beaux et chers

Qu'ensemble nous avons goûtés..

Et les nombreuses couronnes de violettes

Et de roses charmantes que tu as tressées et déposées près de moi.

Et ces colliers nombreux, sertis de fleurs aimées

Que tu as nouées autour de mon cou délicat..

Et tous les flots de ce parfum royal,

Le brenthium, dont tu savais oindre ta jeune chair..

 

Herrad: Ouh (frissonne). Si les hommes pouvaient nous courtiser de la sorte, avec une telle profusion de mots magiques, et d'images oniriques ou sensuelles.

 

Marie: J'ai de la chance. Mon amant est ainsi. Une âme de poète dans un corps d'athlète. S'il venait à me quitter, j'irais rejoindre le royaume des limbes comme le fit Sapho: en mettant volontairement un terme à une vie devenue misérable. Elle se jeta du rocher de Leucade. Une curieuse légende s'attachait à ce rocher fameux sur lequel s'élevait le sanctuaire d'Apollon: ceux qui souffraient d'un amour malheureux devaient se jeter du haut de ce promontoire; s'ils avaient la chance de ne pas s'écraser sur les masses pierreuses et d'échapper à la noyade, ils étaient, disaient-on, guéris de leur passion funeste-ou bien encore, payés de retour.

Une tradition veut que Sapho, en proie à un amour malheureux, se soit jetée du rocher de Leucade, et qu'elle ait trouvé la mort dans les flots.

Cette fin tragique convient bien à ce caractère absolu. Sapho, jeune femme, n'avait vécu que pour l'amour. Sapho, vieillie ne voulut peut-être pas survivre à l'Amour avec un grand A.

 

Herrad: Il ne faudrait pas que la tour de votre château de Trazegnies devienne un jour votre rocher de Leucade.

 

 Marie: Le lien qui m'unit à Gillon est bien trop fort et jamais je n'arriverai à une telle extrémité. Mais au fait, mon cher et tendre chevalier va bientôt arriver. Les affaires du comté l'ont retenu auprès de mon cousin Baudouin. Il reviendra affamé de son voyage. Que lui avez-vous préparé?

 

Herrad: Quelques pintades assaisonnées avec des épices venues d'Espagne. Il adorera.

 

Marie: Terminons cette robe. Je veux être prête et offrir à mon amour l'image d'une épouse... appétissante. ( elle rient toutes les deux) 

 

Herrad: Après avoir avalé les pintades, il n'aura plus qu'à vous dévorer.

  

  • Scène 2 (Gillon, Anacréon, Jehanne la fille, Adéhémar, le tavernier et trois inconnus masqués)

 

Autre plateau. Une auberge. Gillon entre avec son fidèle serviteur, Anacréon

Une serveuse les accueille. Décor. Des chaises et des tables. A une table, un homme est assis. On ne voit que son dos. Il a recouvert sa bouche.

 

Gillion: Gente damoiselle. Daigne nous servir à manger. Nous avons le ventre vide.

 

Anacréon: Chevaucher à travers le comté de Hainaut donne faim. A l'image de nos chevaux, nous sommes assoiffés et fatigués. 

 

Jehanne: Bien Messire de Trazegnies!

 

Gillion: Pardi. Tu me connais?

 

Jehanne: Votre réputation vous précède.

 

Anacréon: Et que sais-tu de mon maître? Rien que des bonnes choses, j'espère.

 

Jehanne: Habitant sur les marches du Hainaut, vous êtes Chevalier preux et courtois, riche de cœur et d'avoir. Vous êtes partout estimé, à cause de votre esprit et de l'élévation de vos sentiments

Avec une fortune égale à la bonté de votre naturel, vous êtes hors de pair. Vous vous conduisez en véritable honnête homme pouvant servir d'un fort gentil exemple; et même ceux qui ne vous connaissent point en aime votre renommée.

Quelque chroniqueur de mes amis m'a dit que quand vous lacez votre armure et que vous vous trouvez au tournoi, vous ne cherchez pas à faire le galant avec les dames, ou le moyen de vous dérober: mais vous vous élancez là où l'on s'attaque corps à corps.

 

Gillion: Ma foi... Comment t'appelles-tu?

 

Jehanne: Jehanne!

 

Gillion: Tu as ma foi raison. Je n'aime qu'une dame, Marie et je lui suis loyal.

  

Anacréon: A mon grand désespoir. Il pourrait en trousser des jolis jupons. Mais, non il se contente d'un seul. C'est d'un démodé. Je ne suis point comme lui ( veut toucher le derrière de la fille)

 

Gillion: En effet ( Il empoigne la main de Anacréon), tu n'es ni vaillant, ni hardi, ni courtois.

 

Anacréon: Messire, ce n'est qu'une simplette.

 

Gillion: C'est une femme et cela ne t'autorise point à poser une main légère sur les  attributs les plus charnus de son anatomie.

 

Jehanne: Si c'était vos mains, en dépit de la gêne que j'en éprouverais, je m'abstiendrais de toute réaction hostile.

 

Gillion: Ne t'inquiète point. Dans toutes circonstances, le sage reste compos sui.

 

Anacréon: Ca y est. Il nous ressort ses expressions latines.

 

Jehanne: Bonum vinum laetificat cor hominis.

 

Gillion: Bigre et comment si le bon vin réjouit le cœur de l'homme

( pendant ce temps, l'homme de dos se retire..) Elle parle le latin.

 

Jehanne: Le latin n'est il pas la langue de l'amour? C'est en tout cas ce que m'apprirent les sœurs à l'orphelinat où j'ai passé ma jeunesse.

 

Gillion: Es-tu une femme amoureuse?

 

Jehanne: Oui... Hier, j'ai embrassé le fils du charpentier. Un jour, il m'épousera. On s'aime...

 

Gillion ( donne une claque à Anacréon): Et tu allais toucher une femme amoureuse.

 

Anacréon: Et ca y est, c'est fini.

 

Gillion (prend la main de la fille): Sois amoureuse de toutes tes forces. Et surtout sois fidèle.

 

Jehanne: Mais je le suis.

 

Anacréon: C'est le début...

 

Gillion: Car il n'y a pas plus riche trésor qu'un cœur de femme vertueux et sincère, et c'est grand dommage  lorsque le contraire a lieu ; de cette manière le cœur de la femme n'est qu'un cochet au vent, et en peu d'heures il change.

 

Anacréon: Moi, j'ai faim. Sers nous.

 

Gillion: Nous voulons nous rassasier pour penocter le cœur serein, l'âme reposée

 

Anacréon: Et le ventre bourré!

 

Jehanne: Que dois-je vous apporter?

 

Anacréon: Je ne sais pas trop.

 

Gillion: mais choisis donc des aliments nourrissants.

 

Vin rouge, œufs, purée et coulis gras, d'un corps

Nourri solidement les ressorts.

 

Un léger incarnat fleurira ton visage,

Si pour mets tu choisis pain de froment, laitage,

Cervelle, chair de porc, nouveau fromage, œufs frais,

Moelle, tous aliments savoureux au palais;

Vins sucrés; au dessert, les grappes de la treille,

Et les fruits du figuier, mûrs à face vermeille.

 

Adopte à mon avis, pain frais et vin très vieux,

Chair jeune et vieux poisson, tu t'en porteras mieux.

Du pain frais rempli d'yeux, un large et rond fromage,

Tendre et jeune poulet, et poisson d'un bel âge,

Sont les mets préférés que mon goût a choisis;

Le vin qui les arrose est pétillant exquis.

 

Jehanne: Bien. C'est tout?

 

Gillion: Oui.

 

Jehanne: Et vous?

 

Anacréon: Une grive tout simplement.

 

Gillion: Je l'aime ( Il embrasse Anacréon. Celui tente de se protéger pensant que Gillion veut à nouveau le frapper)

Sers lui donc des volatiles sains.

 

Anacréon: Une grive suffira.

 

Gillion: Quoi. Mais les volatiles, c'est tout un univers.

 

Jehanne: C'est reparti pour un tour.

 

Gillion:

 

Poule, grive, chapon, colombe, toutereau,

Merle, faisan, plongeon, perdrix, râle, étourneau

Offrent tous une chair et saine et délicate

A l'estomac gourmand qu'elle caresse et flatte

Morte, l'oie est baignée en un vin bouillonnant,

Vivante, elle plongeait dans un fleuve écumant

Noyée au vin de Cos sur la table insensible,

Naguère elle jouait sur un beau lac paisible.

O canard des marais, que ton mol aliment,

Au fond de l'estomac, glisse légèrement.

Eussé-je de ma bouche arrêté la licence,

La fièvre n'aurait pas lassé ma patience.

 

La fille: Voilà! Alors..

 

Anacréon: Une grive. Une.... .

 

Gillion: Tu me déçois. Toujours prompt à déshabiller une armée de vierges et insensible au désossement de toutes ces volailles.

Tu n'aimes point toutes ces bonnes choses. C'est infamie que t'avoir fait porter le nom d'un gouailleur invétéré.

 

Jehanne: Anacréon? Un gouailleur! Messire. C'est mal connaître le banquet des savants d'Athènes. Au cour de cette fête, Anacréon, dont toutes les poésies

 

respirent l'ivresse, s'est montré peu conséquent. En effet, comme il paraît dans ses poésies livré à la mollesses et au plaisir, il s'est fait la réputation d'un voluptueux, maison ignore communément qu'Anacréon était un homme vertueux

et sobre, et qu'il feignait d'être étourdi par les vapeurs du vin, lorsqu'il était de sens rassis.

 

Gillion: J'ignorais la tenue d'un tel banquet et n'avais point connaissance de la vertu d'Anacréon.

 

Jehanne: et pourtant c'est vrai. Je reconnais néanmoins que ce banquet est fictif.

 

Gillion: Mais souvent la fiction rejoint la réalité.

 

Anacréon: C'est comme les légendes

 

Jehanne: Et comme boisson?

 

Anacréon: De l'eau.

 

Gillion: Pouaaaah. L'eau me rend malade. Elle me rappelle chacune de mes traversées des eaux pour rejoindre mes amis d'Albion. Les marins anglais se moquent chaque fois de moi. Les vagues me donnent le tournis et engendrent le vomi. Et puis, ça nuit à la santé.

 

L'eau, fatale boisson, nuisible en un repas...

 

Anacréon: C'est reparti

 

Jehanne: J'aurais pas dû.

 

Gillion:

 

...Refroidit l'estomac qui ne digère pas:

Bois-en, soit, mais très peu, si la soif te talonne;

Assez, pas trop: ainsi la sagesse l'ordonne.

D'une eau trop abondante en l'estomac noyé,

Ne vas pas submerger l'aliment délayé.

 

Pour éteindre le feu de ta soif dévorante,

Ne bois pas à longs traits une eau froide et courante,

 

D'un peu d'eau fraîche humecte un gosier irrité.

Au tempérament buveur, inspirant la gaieté,

Dissolvant et cuisant tous mets, l'eau pluviale

Propice à la santé, ne craint pas la rivale.

La source, à l'est coulant, se boit avec plaisir;

Descend-elle du midi? Réprime ton désir

 

Pas question. Mets nous plutôt du vin.

 

Anacréon: Pas moi. Je conduis. ( trois hommes font leur entrée et bouscule la fille qui quitte la scène. Parmi eux, l'inconnu masqué...)

 

L'inconnu ( on ne comprend vraiment pas ce qu'il dit) Gillon. Prends garde à toi. je suis venu t'occir.

 

Anacréon: que dit-il? ( tire son épée)

 

L'inconnu: (on ne comprend toujours pas) Je suis venu t'occir.

 

Gillion: enfin peu m'importe le motif de ton courroux, poltron. Tes privautés à l'égard de cette gente demoiselle (embrasse la main de la jeune fille)  aux yeux de myosotis méritent à elles seules que je te donne une leçon ( il a tiré son épée).

( Ils se battent tous les cinq)

 

Ancréon: Ces lâches n'ont même pas autant de grâce que votre palefroi Messire.

 

Gillion( se bat souplement). Je pare. Je désarme et je talonne ( jette un coup de pied au derrière d'un des hommes qui s'enfuit).

 

Anacréon: Plus que deux.

 

Gillion: Erreur. Plus qu'un ! Leur chef s'en est allé. Le couard.

 

Anacréon (continue de se battre pendant que Gillon s'assied): Celui-ci est un coriace.

 

Gillion: Ahhh. Un peu d'exercice avant le repas creuse toujours l'estomac. J'ai une faim d'ogre. Dépêche-toi. Essaie ma botte.

 

Anacréon: Je pare. Je désarme et je talonne. (il rate son coup).

 

Gillion: Oh ça tourne mal ( Gillon veut intervenir mais la jeune fille, qui est restée à l'écart, donne un coup de pied à l'inconnu qui s'enfuit)

Voilà qui est bien joué.

 

Anacréon: Merci. Messire, je n'ai point votre talent. Partons. (la fille repart)

Ils pourraient revenir en plus grand nombre.

 

Gillion: Pas question. Mangeons et puis nous nous reposerons.

 

Adhémar l'aubergiste arrive: Messire, je m'en étais aller faire une course quand j'ai vu ces trois individus vous attaqués. Jamais, je n'ai vu ces gibiers de potence. Point de mal, j'espère.

 

Gillion: rassure-toi. C'était du menu fretin.

 

Jehanne (revient avec le vin): Leurs bouts de fer n'ont pu venir à bout d'une lame si noble, Père.

 

Gillion: Père?. Mais n'es-tu point orpheline?

 

Jehanne: Adhémar est mon père de substitution.

 

Adhémar: ma regrettée épouse et moi-même l'avons adoptée. Nous sommes fiers d'elle. Si les hommes n'enferraient pas des filles comme elles dans des vieux carcans imbéciles, elles pourraient sans doute apporter bien plus à notre monde. Elles prodigueraient savoir et bonté ailleurs que dans les quatre murs d'un couvent. Mais le savoir est l'apanage des hommes. Un homme qui sait est un génie. Une femme qui sait est une succube.

 

Gillion: Tu peux être fier. Elle est courageuse et bien intelligente. Son art de manier la langue d'Horace a estourbi définitivement les opinions que je me faisais sur le manque de brillance d'esprit des filles de son rang. Allez. Sers nous à boire

( la fille verse à boire)

 

Jehanne: Uti, non abuti !

 

Anacréon: Oh non.

 

Gillion: User, ne pas abuser.

 

 

Anacréon; Elle a raison. Ne buvez pas trop. L'excès nuit.

 

Gillion: retenez ces paroles.

 

Si pour avoir trop bu la nuit

Vers le matin il t'en cuit

Dès le matin, reprends la bouteille:

Le remède fera merveille

 

Anacréon: A quoi buvons-nous

 

Gillion: Mais à l'amour. Pardi. Amour que j'aurai rejoint demain après les vêpres dans un couche dont je sais la moitié inoccupée depuis une bonne quinzaine.

 

Anacréon: c'est beau la naïveté.

 

Tous ensemble: A l'amour!

 

Noir

  •  Scène 3

Retour au château ( Marie, Herrad, Amaury, Gillon , Anacréon et Jehanne)

 

Herrad: Que désirez-vous, Monsieur?

 

Amaury: Monsieur. Mon rang peut exiger un Monseigneur ou un Messire.

Monsieur. Comme si j'étais un simple homme du peuple.

 

Herrad: Oh. Je ne me permettrais pas de vous comparer à un homme du peuple.

J'ai bien trop de respect pour la plèbe.

 

Amaury: Un jour, tu répondras de cette flétrissure. Tu ne m'aimes guère, me semble-t-il. Ces propos fielleux le prouvent largement.

 

Herrad: Vous l'avez remarqué. Votre façon de regarder est celle d'un serpent sur le point de fondre sur sa proie. Je ne sais quel complot vous ourdissez à l'égard de ma maîtresse et mon maître, mais sachez que je ferai tout pour entraver vos funestes desseins.

 

Amaury: Et comment, diablesse?

 

Herrad: Si elles ne savent user de pesantes armes de fer, les femmes peuvent se montrer bien plus dangereuses en usant de leurs charmes ou.. d'onguents mortels.

 

Amaury: Il faudrait d'abord me séduire. Voilà un funeste dessein dont j'espère ne jamais être la victime. Je n'ai de sentiment amoureux que pour une seule dame, pas toi.

 

Herrad: Et je ne me plains guère de votre désintérêt pour moi. Mon seul amour suit  perpétuellement les traces de mon maître et voue pour lui une fidélité aussi tenace que la passion qu'il ressent à mon égard.

 

Amaury: Tu parles d'Anacréon. Tu le crois fidèle. Ah. Ah. Dans le village de Trazegnies, il n'est pas un jupon consentant qui n'ait été troussé par ses mains avides de chair juvénile.

 

Herrad: Ce n'est qu'une rumeur colportée par une image de gouailleur que l'individu donne volontiers de lui. Mais un jour il me déclarera son amour.

Quand il me regarde, les flammes de la passion ornent ses yeux d'une nimbe emplie d'espoir. Un jour, je me soumettrai à ses attentes pour l'éternité. 

 

 

Marie arrive

 

Marie: Eh bien, Amaury, on séduit ma fidèle dame d'honneur.

 

Amaury: Marie.

 

Marie: si vous lui déclarez votre flamme comme vous le fîtes autrefois avec moi, juste quelques jours avant de convoler en juste noce avec Gillon, votre frère de cœur; l'esprit de cette malheureuse doit être embrouillé par les effluves de la Passion.

 

Herrad: Mon esprit est peut-être embrouillé, mais pas par les effluves de la Passion. Puisque l'on parle d'effluves, le fumet qui se dégage de la cuisson des pintades requiert toute mon attention en cuisine. Je ne voudrais pas que les papilles gustatives si raffinées de mon maître aient à affronter une viande rétive à toute mastication. ( elle part).

 

Marie: Voilà une dame qui ferait un excellent parti pour vous

Couturière et cuisinière hors pair, je vous le confirme.

 

Amaury je n'aime qu'une femme: Vous.

 

Marie: Allons. Vous n'avez pas encore fait deuil de votre éviction.

 

Amaury: Jamais je ne le ferai.

 

Marie: Voyons. Gillon est comme un frère pour vous . S'il vous entendait.

 

Amaury: Je l'aime, certes. Mais sa présence à vos côtés me fait souffrir.

Comme je voudrais tant toucher le tégument de ce cou à la carnation si enivrante

Entourer tous les jours ces épaules de Phrynée, c'est mon désir le plus cher.

 

Marie: Allons. Je n'ai rien de cette courtisane antique si belle et si fine

Cessez. Notre amitié roborative ne vous suffit-elle pas?

 

Amaury: Cette relation corsetée de convenances finit par m'épuiser

Je voudrais tant vous offrir ma personne. ( Il s'agenouille) Tenez, je veux être à vous ce que Holopherne fut à Judith. ( Il tend l'épée et présente sa gorge). Prenez cette tête fidèle ( Elle prend l'épée mais elle ne peut la tenir)

 

 

Marie: Ouf ti. C'est lourd es n'afére là! ( en wallon)

Gardez votre tête, je conserve mon époux. D'ailleurs que ferait Herrad d'un amant acéphale?

 

Amaury: Tout espoir de pouvoir me blottir une seule fois, une seule, contre ce ventre si chaud est donc perdu.

 

Marie: ( les yeux attristés): Ce ventre si chaud et si vide de toute vie.

Je ne lui ai pas encore donné d'héritier à mon grand désespoir. Et ce ventre si chaud qui s'est déjà offert plusieurs fois aux ardeurs de Gillon ne semble pas vouloir enfanter du fruit de nos coïts. Il faudrait un miracle.

 

Amaury: Le voyage de votre époux  pourrait être ce miracle. Vous a-t-il expliqué pour Baudouin l'a convoqué en son château de Mons?

 

Marie: Non. Et en partant, l'angoisse se lisait sur son visage.

De quoi s'agit-il?

 

Amaury: Je me dois de préserver le secret. Croyez-vous en Dieu.

 

Marie: Douteriez-vous de ma foi? Je ne puis vous le permettre.

 

Amaury: Je vous sais sincère. Gardez alors à l'esprit que Gillon aura besoin de votre soutien et  votre accord sans restriction favorisera sans nul doute l'arrivée de cet enfant tant entendu. Encouragez le à faire ce que sa conscience de bon Chrétien et de preux chevalier soucieux de protéger notre dieu lui dictera. Si pénible et si longue soit la tâche à accomplir.

 

Au loin, soudain on entend la voix de Gillon et de Anacréon.

Ils chantent.

 

Oh divin breuvage

Avec toi je n'suis pas sage

toi mon doux doux, doux doux breuvage

Je t'aime accompagné de fromage.

 

Ils arrivent. Gillion est soutenu par Anacréon et Jehanne. Gillon est saoul.

 

Marie: Gillion. Mon amour.

 

 

Gillion: Je suis rond comme... Je ne sais même plus comment

 

Marie: Herrad. Viens.

 

Gillion: Je n'ai pas fini de chanter . Ah divin breuvage...

 

Amaury: Montez le dans sa chambre.

 

Herrad ( arrive et donne un coup de main à Amaury)

 

Marie: Que s'est il passé?.

 

Jehanne: Ils ont voulu fêter leur retour. Le chevalier Gillon n'a pas résisté. Sans doute la fatigue. Anacréon, lui, n'a rien bu et rien mangé, soucieux devant l'état de son maître. Je leur ai conseillé de suivre leur première idée et de pernocter dans chez nous mais Anacréon s'est souvenu que les attendiez pour ce soir. J'ai préféré les suivre pour les aider. Dans ces cas là, la présence d'une femme n'est pas totalement inutile.

 

Marie: Etonnant. C'est la première fois que cela lui arrive

 

Amaury: Nul cœur vaillant n'est infaillible. Cet état de joie est sans doute lié au secret dont je viens de vous entretenir.

 

Marie: Ce serait donc ça.

 

Anacréon et Herrad reviennent

 

Anacréon: Il en tient une sacrée!

 

Herrad: Il s'en remettra. C'est un costaud.

 

Amaury: Sans doute. (vers Jehanne) Merci de ton soutien, femme. Tu es bien brave. Tiens. Voilà pour ta peine. ( il lui donne de l'argent)

 

Jehanne: Merci. Messire. Puis-je prendre congé?

 

Marie: Si tard. Les routes ne sont pas sûres.

 

Herrad: Offrons lui de dormir ici pour un soir

 

Jehanne: Mon père m'attend. Il risque de s'inquiéter et aussi de me gourmander demain matin. Merci quand même, mais je m'en vais.

 

Amaury: Pour l'heure, ma présence ici n'est plus indispensable. Je te raccompagne. Je mets mon épée au service de ta protection.

 

Marie: Sache que...

 

Jehanne: Jehanne..

 

Marie: Sache, Jehanne, que les portes de notre château te sont ouvertes.

 

Herrad: En cas de problème n'hésite pas à venir nous voir.

 

Amaury et Jehanne s'en vont.

 

Marie: Un bien gentille personne.

 

Anacréon: Et bien jolie, aussi.

 

Marie: Je vais m'enquérir de l'état de mon chevalier.

 

Herrad: ( jalouse et fusille Anacréon du regard): Et bien jolie.....

 

Anacréon: Je vous assure, gente dame, que je me serais bien blotti contre une telle poitrine généreuse. D'ailleurs, si mon maître n'avait point eu cette défaillance, que d'ailleurs je ne parviens toujours pas à m'expliquer, nous aurions passé de plus longs et agréables moments ensemble. Dans l'auberge que son père dirige avec une discipline de fer, vous auriez dû voir les regards envieux qu'elle me jetait. Dans ses yeux, se lisait l'amour. Son sourire complice me laissa le cœur pantelant. Elle pourrait faire de moi ce qu'elle voudrait. Avec elle, je vivrais dans la sujétion de ses désirs les plus fous.

 

Herrad ( jalouse): Qu'attendez-vous pour aller la rejoindre?

 

Anacréon: J'attends. Je tiens pas à lui faire savoir trop vite que cet amour est réciproque. Dans la présente affaire, toute procrastination est salutaire. Faisons la languir un peu.

 

Herrad: Vous êtes bien imprudent. Ne craignez-vous pas que l'Amaury au visage

 

Herrad: .. au visage porcin ne la séduise, qu'il chante avec entrain les louanges de l'objet de vos désirs.

 

Anacréon: Et rastreins! Amaury n'a aucune chance. Il n'a rien pour lui.

 

Herrad: Je ne puis vous donner raison. Amaury sait faire la cour aux dames. Il sait poétiser, mettre en exergue les charmes des nobles dames comme moi.

 

Anacréon: ah. Tènè. Tènè.

 

Herrad: Il m'a tenu tout à l'heure une vaste cour, empressée certes, mais vaste. Vous auriez  dû l'entendre. C'était beau. En y regardant de plus près, je conçois aisément que nos deux êtres soient supplétifs. Un corps et une âme vigoureux comme les siens épousant ma frêle silhouette prompte à se plier sous les assauts d'un vent amoureux à l'impétuosité ravageuse. Que voilà une belle image.

 

Anacréon (jaloux): Ah? Il vous a fait la cour. Et les rafales ont soufflé fort.

 

Herrad: Plus fort que le plus doux des poèmes. Il ne s'est épargné aucune peine pour extirper de ses entrailles les mots les plus beaux. Mon Amaury est unique. Il sait scruter l'immensité de mes sentiments. Je vous vois. Vous me donnez l'impression d'avoir perdu de votre superbe. Votre fille de taverne n'a pas, il est vrai, le port aussi royal que mon preux chevalier.

 

Anacréon: Restons en là. Suffi!

 

Herrad: Vous avez raison. Nous nous donnons l'impression de vouloir nous faire du mal mutuellement. Alors que notre relation est purement...

 

Anacréon: Purement?

 

Herrad: Celle d'une courtoise et d'un manant. Je prends congé de vous laisse à vos rêves inassouvis. ( elle part)

 

Anacréon: Ils finiront un jour par s'assouvir.... (il s'en va)

 

 

NOIR.

 

 

 

  • Scène 4. Au château ( Gillion et Herrad)

Gillion fait les cent pas. Herrad arrive.

 

Herrad: Maître, pourquoi m'avez vous fait venir? Quelle affaire requiert donc diligence.

 

Gillion: Je ne sais comment vous le dire. Je vous demanderai juste d'observer le secret de cette rencontre.

 

Herrad: Sur ma tête, je le jure. Même sous la torture, j'observerais le silence.

 

Gillion: Je peux compter sur ta confiance. Tu n'ignores point que Marie ne peut me donner héritier. Il conviendrait d'appliquer un remède efficace pour remédier à cette situation. Dans tout le village, on brocarde ma mie. On la dit sèche comme un mare anhydre en plein désert. Il faudrait lui rendre fertilité.

 

Herrad: une fertilité dont elle n'a jamais été dépourvue, je vous l'assure.

 

Gillion: quoi. Comment sais-tu cela?

 

Herrad: Une.... Je dirais, une dame qui a su percer les mystères et dont je garantis la probité, m'a certifié que votre épouse était parfaitement en mesure de vous donner un héritier.

 

Gillion: Cela m'étonnerait. En dépit du travail ardent que je fournis dans notre couche, mes efforts semblent être inutiles.

 

Herrad: Etes-vous sûr que le mal vient de votre épouse?

 

Gillion: Quoi (en colère) comment oses-tu douter de ma virilité. Je ne te permets pas.

 

Herrad: Allons, Messire, que votre confiance à mon égard soit à l'image de celle que j'ai en vous. Et croyez-moi. Il n'est point impossible que l'absence de votre descendance soit due à votre....

 

Gillion: Vas-y lâche le mot...

 

Herrad: impuissance à féconder.

 

Page 22

 

Gillion: Oh non. Je suis comme un vieux coq qui se contente de trôner sur son tas de fumier et qui ne peut assurer la descendance de sa basse cour.

 

Herrad: Comparaison stupide. Un vieux coq infertile, on le trucide ( se passe la main sur la gorge)

 

Gillion: Tout est perdu. Il ne me reste plus qu'à me tourner vers Dieu et prier.

 

Herrad: Ca peut être utile de se référer à une force transcendantale mais je connais une dame qui pourra nous aider. Je vous donne rendez-vous ce soir. Nous irons tous les deux dans le bois de l'Olive où là nous trouverons remède à tous vos soucis.

 

Marie arrive.

 

Marie: eh bien, vous deux. Que faites-vous là?

 

Gillion: J'évoquais avec Herrad la manière dont Jehanne, la fille de l'aubergiste avait évincé Anacréon et de l'attrait qu'il éprouve vis-à-vis d'Herrad.

 

Herrad: quoi?

 

Marie: allons ( à Herrad) comme si tu ne le savais pas.

 

Gillion: Nous en parlerons plus tard. Ce n'est que frivolité.

 

Herrad: alors, ça?

 

Gillion: A plus tard. Je dois entretenir ma femme d'un problème plus urgent.

 

Marie: laisse-nous

 

Herrad: frivolité. Frivolité......( s'en va)

 

Marie: Alors que me voulez-vous?

 

Gillion: Vous connaissez la parole de notre seigneur qui disait: " si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renier lui-même, se charge de sa croix et me suive

 

Marie: cela signifie que quiconque veut sauver son âme, ne doit pas hésiter à prendre humblement la voie du Seigneur. Pourquoi tant de méandres pour aboutir à l'essentiel de votre discours? Venez-en au fait.

 

Gillion: Votre cousin, Baudouin, me demande de participer à la croisade levée par notre pape Urbain pour sauver le Saint Sépulcre.

 

Marie: Vous allez m'abandonner pour longtemps et peut-être pour toujours.

 

Gillion: Je n'en ai guère l'envie. Mon cœur d'être humain me commande de ne pas y aller et de vous consacrer chaque jour qu'il m'est permis de vivre.

 

Marie: N'y allez pas alors.

 

Gillion: Mais mon âme de chevalier chrétien fidèle à ses principes et son suzerain me commande d'y aller.

 

Marie: avez-vous pris une décision définitive?

 

Gillion: Non. Il me reste une journée pour faire l'examen de mon âme.

 

Marie: Je sais que votre décision sera juste. Je vus laisse réfléchir avant que je vous donne moi-même conseil.

 

Gillion: Merci de me laisser seul afin que je puisse mieux affronter les tourments qui tempête dans mon esprit.

 

Marie: Peut-être que demain, la lumière que j'apporterai pour éclairer votre esprit ténébreux vous réconfortera-t-elle?

 

Gillion: Merci de point me brûler sur le bûcher de mes hésitations.

 

Marie s'en va.

 

 

  • Scène 5 (un croisé et un marchand)

( un croisé se promène dans la salle et lit un message)

 

Oyez Oyez braves gens. Voulez-vous participer à la croisade levée pour libérer les lieux saints? Ecoutez alors ceci.

Ne doivent songer à prendre la croix que les hommes exercés dans le métier des armes et, par ailleurs, capables de supporter les frais d'une telle entreprise. Vous pouvez vous faire accompagner de vos femmes et enfants, si vous le désirez, de vos familiers et serviteurs, principalement de votre chapelain, mais vous êtes tenus de les protéger, de les garder sous votre responsabilité.

Attention. Tout engagement doit être solennel, affirmé par serment, et ne peut être rompu faute de graves sanctions.

 

Le marchand: Dis-moi, mon brave.

 

Le croisé: Je t'écoute.

 

Le marchand: toute marchand comme moi souhaitant commercer est-il admis car il me fut dit que l'Orient abondait en produits intéressants.

 

Le croisé: rien ne t'empêche d'y aller. Tu n'as qu'à prêter serment.

 

Le marchand: Dussé-je prêter serment devant le diable, je veux faire partie de l'aventure car je suis persuadé que cette croisade aura un apport bénéfique pour notre civilisation....

 

Le croisé: viens ce soir au château de notre maître Godefroy de Bouillon. Tu y prêteras serment d'allégeance...

 

Le marchand: A ce soir!

 

 

  • scène 6

( Herrad, Gillion, la sorcière)

 

Gillion ( les yeux bandés): Où m'emmènes-tu?

 

Herrad: Vous désirez connaître à nouveau la virilité?

 

Gillion: Oui.

 

Herrad: alors, ne posez point de question. Nous sommes arrivés.

 

Gillion: J'ignorais la présence d'un tel lieu cabalistique dans le bois de l'Olive que je croyais uniquement voué aux longs discours amoureux transis.

 

Herrad: Oui. Bee les amants, ils ne font pas que discourir dans les bois.

 

Gillion: Anacréon devrait vous y emmener.

 

Herrad; tiens, c'est une bonne idée. Silence. ( elle frappe à une porte)

 

Une voix: Qui c'est?

 

Gillion: c'est le plombier.!

 

Herrad: Oh. C'est Herrad qui vous amène une personne qui souffre d'un mal dont seule votre science peut le guérir.

 

La sorcière ( ouvre): entrez! Essuyez-vous les pieds. Ne salissez pas le parquet.

( montre le balai cassé) J'ai eu un accident. Mon ballet ne fonctionne plus pour le moment. J'en attends un nouveau.

 

Herrad: Voilà mon malade.

 

La sorcière: Il est mignon ce poupon.

 

Gillion: Merci. On me l'a déjà dit.

 

La sorcière: Il quoi c't'homme-là? laissez-moi deviner.

Il veut se débarrasser d'un ennemi.

 

la sorcière: Ah. J'aime traiter ce genre de cas. Pour ça. Rien de tel que le capuchon de moine.

 

Gillion: Non!

 

Herrad: laissez la se défouler.

 

La sorcière( tend un pot): Prends ça ( Ils s'abstiennent)

 

Le plus beau des poisons,

plante des lisières,

portant ta menue cagoule verte,

petit moine, petit assassin,

l'aconitine monte

de tes racines

vers le pourpre sombre de tes fleurs,

petit fourbe,

mets principal

d'un banquet

fatal.

 

Quelques feuilles

dans la salade,

quelques graines

dans la soupe,

une bonne racine

pour relever

le bouillon-

et puis adieu

 

Gillion: J'en demande pas tant.

 

Herrad: En fait.

 

La sorcière: laissez-moi deviner.

De la morelle endormante pour pervertir les damoiselles

( lui tend un pot. Il s'abstiennent)

 

Quand fleurit la Morelle endormante, les filles aux yeux rêveurs soulèvent leurs paupièreset regardent leurs amants;Les Ménades fondent sur les hommes ruisselant de rêves.

 

Herrad: Suffit.

 

Gillion: (prend son épée) je perds patience. Calme-toi si tu ne veux pas que je t'étête (pose l'épée près du cou de la sorcière)

 

Herrad: du calme. Médina est un peu frivole mais elle a bon cœur.

 

Médina: faut pas m'pousser.

 

Herrad: Mon maître a recours a tes services pour soigner son incapacité à féconder.

 

Médina: Il est impuissant. Un colosse comme et y'a rien qui en sort. Hein

 

Gillion: MMM (gêné)

 

Médina: Alors..

 

Gillion: Ne me brocarde point. Aide-moi plutôt.

 

Médina: pas simple. Je ne sais pas si

 

Gillion ( tend une bourse)

 

Médina( la prend): Pour que ça marche, faut au moins deux bourses.

 

Gillion (lui tend une deuxième bourse): Alors. mets fin à mes soucis.

 

Médina: c'est bien parce qu'Herrad est une bonne cliente...

 

Gillion: alors, tu vas me soigner.

 

Médina: Je vais faire ce que je peux.

 

Herrad: La guérison de l'impuissance est-elle impossible?

 

 

Médina: C'est plus facile de rendre l'impuissance. Vous savez. Plus ça change, plus c'est la même chose!. Si c'était pour le rendre infertile, ça ne poserait aucun problème. Une ligature par magie sympathique sur une poupée, et c'est réglé. Je noue des noeuds sur une corde ou un cordon de cuir, et c'est fini. Y'a plus rien

 

Gillion: Plus rien.

 

Médina: maintenant grâce à une potion, je peux rendre la virilité

 

Herrad: Il paraît que ça ne marche pas.

 

Médina: Ce sont des collègues masculins qui disent ça. Ce sont des jaloux.

Allons-y.

( elle commence à concocter la potion assez rapidement et pompeusement comme si elle était en démonstration)

Pour y réussir rien de tel que de l'encens de Cernunnos.

De la poudre de patchouli, feuilles de lauriers broyées, des aiguilles de pin pulvérisées, des tiges et des feuilles d'armoise amère et de verveine pulvérisées. Puis on humecte cette poudre avec du vin rouge, de l'huile de pin, de clou de girofle et d'olive, en plus de miel, de trois gouttes de sang et de trois gouttes d'urine. Pour terminer le tout, du poivre et une pincée de gingembre.

 

Gillion: c'est tout.

 

Herrad: C'est déjà ça.

 

Gillion: Ca a l'air bon. Y'a juste l'urine et le sang. Ca me gêne un peu

 

Médina: rassure-toi pour l'urine, je ne bois pas. Quant au sang, je l'ai extirpé d'un cadavre fraîchement enterré ce matin.

 

Herrad: Vous voyez. Rien que des produits frais.

 

Gillion: L'histoire retiendra sans doute de moi que j'étais assoiffé de sang et elle aura raison. (il boit)

 

Médina: Alors.

 

Gillion: Manque un peu de corps..

 

 

Médina: Te voilà sous le charme. Mais tu devras respecter deux conditions.

 

Herrad: qui sont?

 

Médina: Tu as trois heures pour semer ta graine. Ensuite, en aucun cas, tu ne devras dévoiler le subterfuge à ta bien-aimée sous peine d'empêcher l'onguent d'agir avec efficacité.

 

Gillion: je respecterai ta parole. Merci, la succube. Herrad, allons-nous en avant que les effets ne s'estompent.

 

Herrad: Je vous rejoins dans quelques instants, Messire.

 

Gillion s'en va.

 

Médina: Ton Anacréon, il a craqué avec les feuilles de jusquiame.

 

Herrad: J'ai préféré ne pas lui en donner. Je veux que notre amour soit sincère et ne subisse en aucun cas l'influence de tes onguents méphitiques.

 

Médina: C'est tout à ton honneur.

 

Herrad: Toutefois, je te demanderais d'influer sur son maître. Je souhaiterais que celui-ci n'emmène pas Anacréon dans sa funeste et inutile croisade contre les hérétiques.

 

Médina: Tu me demandes de combattre ce qui risque d'être plus fort que ma magie sympathique: son honneur. Mais je vais voir ce que je peux faire

( elle lui tend un petit pot)

 

Herrad: Quel est donc encore cette potion mortelle.

 

Médina: Ca. C'est rien. C'est des olives. Tu devrais en prendre à l'apéro, c'est délicieux... Au fait, je vais disparaître quelque temps. Il te sera impossible de me voir.

 

Herrad: Ah. Et à qui donc vais-je pouvoir me confier.

 

Médina: mon assistant est tout aussi compétent.

 

Herrad: Je n'ai confiance qu'en vous

 

Médina: J'ai bien le droit de prendre quelques vacances. Cette année fut particulièrement active. L'ouverture de la boutique , les tracasseries administratives et  les poursuites judiciaires ont quelque peu érodé mon moral.

J'ai le droit de souffler un peu.

 

Herrad: Bon. J'en fais mon deuil. Prévenez dés que vous serez de retour et bonnes vacances....

 

 

NOIR

 

 

  • Scène 7 (amaury. Les brigands. Gillion et Marie)

 

Les brigands qui ont attaqué Gillion chantent dans les bois. Ils sont assis

 

Refrain

Nous sommes les meilleurs brigands

On gagne tout plein d'argent.

On file sur nos beaux palefrois

Aux yeux, nous on n'a pas froid.

 

Quand un de nous a un problème

on l'aide parce qu'on l'aime

Contre la justice, on est en butte

on n'arrête pas la lutte

 

Refrain

 

On nous traite de scélérats

et on n'en à rien à faire

contre les bourgeois, on n'arrête pas

on les met tous en émoi.

 

Mais un beau jour, ça finira

au bout d'une corde de chanvre

Le cou tendu, on expirera

Et plus jamais on n'dira.

 

Refrain.

  

Amaury arrive et s'arrête près d'eux

 

Amaury: Plus forts pour chanter que pour trucider sur commande.

 

Brigand1: Maître...

 

Amaury: Ote ce mot de ta bouche. Il me fait honte.

Les meilleurs brigands. Tu parles. Trois contre deux. C'était pourtant gagné d'avance. Vous vous êtes sans doute battus avec l'agilité d'une macreuse. Vous êtes juste capables de rapiner quelques brouets.

 

Brigand2:notre complice aurait dû nous prévenir que Gillon avait autant de force.

 

Amaury: sa réputation le précédait pourtant.

 

Brigand3: On peut faire appel à d'autre mains et remettre le couvert.

 

Brigand1: C'est ça. Face à une dizaine d'égorgeurs professionnels, il n'aura aucune chance.

 

Amaury: Pas question. Augmenter le nombre de nervis, c'est accroître le nombre de traîtres potentiels. Pour le moment, on ne bouge plus. Evitons quelque malencontreuse gourance.

 

Brigand2: Le problème reste entier.

 

Brigand1: On peut le rendre bifide ( montre son épée). Un ordre ...et une bourse de vous suffiront.

 

Amaury: ca suffit. Gougniafiers juste bons pour le trimard. Demain matin, l'aiguail verra partir le chevalier Gillon. Les cimeterres des incroyants se chargeront de trancher ce cou par trop hiératique à mon goût.

Le moment venu, vos épées se contenteront d'un sang moins noble issus de veines plus délicates. Mais jusque là, les gouapes, contentez-vous de quelques proies faciles et sans importance!  Tenez ( jette une bourse) voici de quoi entretenir le galetas dans lequel vous terrerez votre souffrance jusqu'à ce que je vous fasse signe.

 

  • scène 8 ( au château)

 

Marie ( fait les cent pas)

 

Gillion (arrive): Me voilà. Mon amour enfin libéré du poids de mon indécision.

 

Marie: Avez-vous bien réfléchi?

 

Gillion: Vous me semblez déjà connaître le motif qui me fit courir jusqu'à Baudouin.

 

Marie: Oui. Amaury m'a tout expliqué.

 

Gillion: Que voilà un ami sincère. Il m'a allégé d'un réel fardeau en vous parlant à ma place de cette croisade commandée par notre bien aimé pape Urbain. Et cette fois, je ne pars pas. Je reste près de vous ma mie. Venez avec moi tout de suite. Nous avons assez perdu de temps.

 

Marie: Quoi. Vous ne partez point. Prenez de suite les armes. Et partez au secours du Saint-Sépulcre! Je vous l'ordonne. Votre descendance, pour l'amour de Dieu, en dépend.

 

Gillion: Mais.

 

Marie: Ne dites rien.  Vous le savez. Quiconque veut sauver son âme, ne doit pas hésiter à prendre humblement la voie du Seigneur. S'il lui manque de deniers abondance, la miséricorde divine fournirait à suffisance. Pour obtenir notre enfant, vous devrez souffrir bien des maux pour le nom du Christ: ce sont misère, pauvreté, nudité, persécution, dénuement, infirmité, faim, soif et autres semblables, conformément à la parole du Seigneur à ses disciples.

 

Gillion: Mais cela n'est plus nécessaire.

 

Marie: Si. Notre amour en dépend. Ne me décevez pas.

 

Gillion: Dans mon for intérieur et à mon haleine profonde, je sens que quelque chose a bougé en moi et que plus rien ne peut empêcher la venue d'un héritier.

Je ne puis vous expliquer pourquoi.

 

Marie: sans votre croisade contre les hérétiques, jamais le Seigneur ne me bénirait et ne m'accorderait la force de vous donner cet enfant tellement chéri.

 

Gillion: Mais. Ce n'est pas vous, c'est moi. Et maintenant, il n'y a plus de problème.

 

Marie: Ah. J'ai le cœur soulagé. Vous partez enfin. Prenez ce collier, il vous portera chance.

 

Gillion: Si vous y tenez. Il ne me reste plus qu'à rejoindre mes petits camarades Pierre L'Ermite et Godefroy de Bouillon. (résigné)

 

Marie: Ensemble. Vous verrez. Vous vous amuserez bien.

 

Gillion: Le désert. C'est le pied!

 

Marie: Juste quelques semaines et puis la bénédiction du seigneur m'accordera le juste droit de procréer.

 

Gillion (se précipite vers la fenêtre): Anacréon. Prépare les chevaux, armes et bagages. On s'en va.

 

Anacréon ( on n'entend que sa voix): Où ça?

 

Gillion: Jérusalem. On part sauver le tombeau du Christ (il réfléchit). Après tout, non. Je m'en irai seul. C'est préférable. Tu veilleras sur Marie et le château.

 

Anacréon: Oh! ( triste).

 

Gillion: sans oublier Herrad.

 

Anacréon: Ah ( gai)

 

Gillion: Juste retour des choses ma bien-aimée. Imaginez le désert, le manque d'eau, les vautours hurlant autour de nos carcasses putréfiées, rien que des hommes autour de moi, pas la moindre main câline d'une épouse aimante, rien que de la sueur de virils chevaliers.

 

Marie: beurk ( dégoût)

 

 

Gillion: Voyez les mille tourments que je vais devoir souffrir pour vous satisfaire. Alors ne pourriez-vous par mansuétude m'accorder une ultime requête.

 

Marie: De quoi s'agit-il?

 

Gillion: Ne pourriez-vous me donner un petit acompte. Un bref aperçu du type d'accueil que vous me réserverez à mon retour?

 

Marie: ah, les hommes. tous pareils. Même pas encore prêts au combat et ils revendiquent déjà le repos du guerrier. Allons-y pour la curée.

( il sortent)

 

Noir.

 

ACTE II

 

 

 

  • Scène 9

( Godefroid de Bouillon, Gillion, Pierre L'Ermite et le marchand)

 

Godefroid (regarde au loin): quel est donc cet être hirsute qui s'approche? Quelle personnalité étonnante cache ce visage émacié, ce regard exalté, cette barbe inculte? Quel corps rompu par les pénitences et les fatigues recouvre cette bure élimée.

 

Pierre ( s'approche) Sire duc, ne reconnaissez-vous pas votre chevalier Pierre?

 

Godefroid: ( se lève et étreint le chevalier. En lui tapant dans le dos, il y un nuage de poussières) Pierre! Je pensais ne plus jamais te revoir. Tu ne m'en veux donc pas d'avoir aidé l'impie Henri IV à combattre le St Pontife.

 

Pierre: Ne t'inquiète point. Je savais que je te retrouverais un jour du côté de dieu.

 

Godefroid: J'ai lourdement pêché contre le Seigneur en aidant l'empereur Henri dans la guerre. Pour éradiquer mes remords, je m'en vais donc en Palestine.

 

Pierre: tu pourrais pourtant chez toi.

 

Godefroid: en reconnaissance de mon aide, l'empereur m'a nommé duc de Lotharingie. Le jour de mon sacre, avec joie, les nobles du duché sont venus me prêter le serment d'usage. Partout, les manants et les vilains qui connaissent la droiture et la justice qui m'animent, ont fêté avec transport mon accession au trône ducal.

 

Pierre: Je m'en voudrais de te séparer  de ton cela, mon ami. Retourne chez toi.

 

Godefroid: Cela me laisse indifférent. Ce titre me paraît tellement vain. Chaque fois que l'ombre de la nuit pénètre par les étroites fenêtres, je cherche en vain le sommeil. Sur ma couche de soldats, le remords me visite.

 

Pierre: Je te comprends. N'as tu pas appris que le saint pape Grégoire était mort peu de temps après la chute de Rome? N'as tu pas appris que c'était surtout le chagrin d'avoir été combattu par de tant de bons princes de la chrétienté comme toi qui l'ont tué? Sans des nobles comme toi, on aurait déjà libéré les lieux saints.

Godefroid: Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Oh mais qui voilà sur son beau cheval.

 

Godefroid: Mais voilà donc Gillon de Trazegnies.

 

Gillion: Messire Godefroid de Bouillon.

 

Godefroid: que je te présente mon ange gardien, Pierre l'Ermite

 

Gillion: Monsieur L'Ermite. Gillon de Trzegnies. Je mets mon épée au service de dieu et de ma descendance.

 

Godefroid: alors. Nos troupes arrivent.

 

Gillion: Quel spectacle! ( les lumières s'éteignent et sur écran apparaissent des images)

Si les chevaliers ont grand air sous leurs casques et leurs hauberts rutilants, les fantassins soigneusement entraînés, donnent aussi une solide impression de force et d'endurance... Tout cela passe dans un nuage de poussière d'où, parfois, s'élève comme une brusque étincelle le flamboiement d'une hache ou d'une épée. Lourds et lents, traînant derrière eux les pesants chariots de vivres, des couples de bœufs suivent la formidable armée. Au galop de leurs chevaux, les chefs gagnent la tête de l'interminable colonne. Bien rangés, marchant fièrement sous le déploiement des bannières seigneuriales où la croix du Christ est brodée, tous ces cavaliers, tous ces fantassins semblent prêts à conquérir le monde.

 

Godefroid: Voilà qui nous rassure.

 

Pierre: Allons nous restaurer. On vous laisse surveiller le convoi

 

Gillion: Merci. ( domine la salle. Majestueux)

 

Le marchand (arrive): Oh hee. Messire. Attendez-moi

 

Gillion: Si. Qui es tu? D'où viens-tu?

 

Le marchand (accent flamand): Albert, de Gent.

 

Gillion: Viens te joindre à moi. Un peu d'eau ( présente sa gourde) je t'en prie. Brave négociant.

 

Le marchand: Merci.

 

 

Gillion: Mais dis moi. Pourquoi te joins-tu à nous?

 

Le marchand: point pour faire la guerre.

 

Gillion: Je te comprends. Ce n'est pas ton métier. Mais au moins, c'est pour sauver les lieux saints des sectateurs de Mahomet.

 

Le marchand: Oui. Oui (pas convaincant) Si ça peut vous faire plaisir. Mes motivations sont en bien des points différentes des vôtres. Cette croisade aura u  apport bénéfique pour notre civilisation. Pour la première fois, l'Occident est en contact avec l'Orient. On ne connaît rien de ces pays. On pourra y découvrir une nature nouvelle et des ressources inconnues

 

Gillion: Tu vas donc pour l'argent.

 

Le marchand: Je vais là où le profit m'appelle. Messire. Ne trouvez-vous pas que cela irait plus vite si nous utilisions les bateaux? A pieds, c'est périlleux et dangereux. Et puis, ça nous obligerait à construire des bateaux. Le commerce. Le commerce. Regardez les Nordiques, ils vont en bateau, eux.

 

Gillion: Enfin. Je ne suis pas le grand commandeur de cette expédition. Je fais ce que l'on me dit. Faisons un bout de chemin ensemble.

 

Le marchand: Dites ( sors une étoffe de son sac) ça ne vous intéresse pas. De la dentelle flamande. C'est de la bonne qualité

 

NOIR.

  • Scène 10

( décor plus lumineux. Ambiance orientale).

( le roi Soudan, sa fille Gracienne, Gillon, Ahmed le bourreau, Helmut le chef des mercenaires).

 

Gracienne danse ( seule ou éventuellement avec un ballet)

Soudan l'admire. A ses côtés, Ahmmed.

Gracienne finit sa danse.

 

Le roi: Bravo, ma fille quel talent.

 

Gracienne: pour une jeune femme qui a appris seule. Je ne me débrouille pas mal.

Vos odalisques ne m'ont point aidé? Je vous le garantis.

 

Le roi: Même si c' eût été le cas, je ne t'aurais rien reproché. Après tout, leur entretien me coûte assez cher comme ça. Il est temps de faire un nettoyage. Il y en a trop.

 

Ahmed: Voilà des paroles que le vieux bourreau que je suis attend depuis longtemps. Je vais pouvoir ressortir ma veille hache et m'exercer sur les nuques de vos adorables épouses.

 

Gracienne: Père. Vous ne ferez pas commettre pareille ignominie. Sous votre règne, les échafaud pourrissent, les cordes n'ont plus de cous à serrer. Le peuple vous aime pour votre bonté.

 

Le roi: Tu as raison, ma fille. Jamais, je ne ferai périr des odalisques sur le billot de ce maudit Ahmed.

 

Ahmed: De plus, je manque d'entraînement.

 

Le roi: rassure-toi de suite. Le destin nous a apporté un chevalier d'un pays lointain. Il rentrait d'une croisade et est tombé dans une embuscade. Tu vas pouvoir travailler un peu et justifier l'or que je te verse régulièrement.

 

Gracienne: Père. Vous parlez de ce beau garçon que mes yeux ont aperçu ce matin alors qu'il traversait notre ville.

 

Le roi: c'est la seule fois que tu l'auras vu. Demain, son col sera tranché.

 

Ahmed: Je vous laisse. J'ai du travail. L'exécution? Publique ou privée?

 

Le roi: Publique. La plèbe a droit à ce spectacle. Au passage, fais appeler Helmut, le mercenaire.

( Ahmed s'en va)

 

Gracienne: je déteste cet homme. Oser trahir sa patrie pour de l'argent, voilà une attitude indigne.

 

Le roi: Tu as sans doute raison. Mais Helmut sait se battre. Il peut faire profiter mes hommes de sa science de l'épée. Si mes fidèles sont agiles à cheval; sur terre, dés qu'il s'agit de combattre les Occidentaux, ils sont plutôt patauds.

 

Helmut (entre): Vous m'avez appelé, votre Majesté ( s'agenouille).

 

Le roi: parle moi de ce preux que tu as pris ce matin. Est-il brave?

 

Helmut: Il nous a donné beaucoup de fil à retordre. L'homme était seul entourés des cadavres de ses hommes et de ses ennemis. Il nous échappa un moment en s'emparant d'un cheval. Il nous entraîna dans la montagne. Adosser à une muraille rocheuse pour se couvrir de nos attaques, il se battit pendant encore de longues minutes, se couvrant de la main gauche de son bouclier et sema la mort dans nos rangs. Son épée se brisa. Nous ne pouvions admirer que son courage. Contrairement à ce que nous faisons dans pareil cas, nous ne l'avons pas tué.

 

Le roi: Voilà un chevalier qui mérite toute mon admiration. Demain, il saura mourir avec courage.

 

Gracienne: Père, un tel homme pourrait peut-être combattre à nos côtés.

 

Helmut: Cela m'étonnerait fort. Il n'est pas homme à se laisser soudoyer. 

 

Gracienne: père. Voyez le.

 

Le roi:  Non. Helmut, laisse-nous. ( Helmut salue et s'en va)

 

Gracienne: Père. Cet homme est peut-être bon.

 

Le roi: Bon? As-tu entendu parler de ce qu'ils ont fait à Constantinople.

 

Gracienne: Père. Je ne suis qu'une jeune fille dont le cœur n'est que candeur et insouciance.

 

Le roi: A Constantinople, ils se sont comportés en scélérats, jetant bas et incendiant les palais de la ville, enlevant le plomb qui recouvrait les églises pour le vendre aux Grecs. Après avoir traversé la mer, ils n'ont cessé de commettre toutes sortes de méfaits, brûlant et dévastant maisons et églises.

Mais enfin, tu es ma fille. Mon désir est de combler tes souhaits. Je le rencontrerai avant que sa tête ne roule sur l'échafaud préparé avec amour notre bourreau maison. Je vais le faire chercher par Helmut.

 

Gracienne: Merci.

 

Le roi: Ne me remercie pas. Ma position est arrêtée.

 

Gracienne: Elle changera peut-être. Une discussion sincère a toujours raison des esprits les plus bornés .

 

Le roi: (Prend un morceau de poulet d'un plat. Il recrache) Ce nouveau chef de cuisine, comme il est pénible. Comme t'as fait pour le choisir.

 

NOIR.           

 

 

  • Scène 11

Dans la prison.

Ahmed arrive près de Gillion.

 

Gillion: Qui es-tu?

 

Ahmed: Je suis le bourreau

 

Gillion: Quoi? Toi, bourreau? Jamais, je confiera ma tête à un vieillard cacochyme.

 

Ahmed: Vous auriez tort. Et puis, il n'y a que moi comme bourreau.

Vous aurez ainsi l'occasion de profiter de mon expérience. Le père de notre roi avait la main plus lourde pour signer les condamnations à mort. C'était le bon temps. On n'admirait ma dextérité. Je paradais en exhibant fièrement et respectueusement le produit de mon travail.

Mon plus beau jour fut celui de l'épouse adultérine du roi. En un seul coup, j'ai avalé sa jolie tête brune portée par un long cou dénudé.

 

Gillion: Le mien n'a pas tant de grâce. Plus court, il sera difficile de le trancher.

 

Ahmed: Voyons ça ( examine la nuque et la palpe). Elle est ferme. Le cou est large et fier. Une hache de 35 sera toutefois indispensable si je ne veux pas m'y reprendre à deux fois. Vous avez un choix pour le billot.

 

Gillion: Je le préfère en chêne.

 

Ahmed: Nous n'avons que du chêne vert à vous proposer.

 

Gillion: J'aurais préféré que mon cou s'appuie sur un bloc de chêne de nos régions mais je me contenterai de ce que vous aurez.

 

Helmut arrive: Ahmed. Laisse-nous. Le roi demande à voir le prisonnier.

 

Gillion: de toute façon. Je partais. Je dois annoncer mon retour à la population et préparer le spectacle de demain matin (il part).

 

Helmut: Suis moi ( Gillon est enchaîné)

 

Gillion: Tu n'as point honte d'avoir trahi les Chrétiens. D'où viens-tu?

 

 

Helmut: de Lotharingie.

 

Gillion: la patrie de Godefroid de Bouillon.

 

Helmut: qui s'en est rejoindre le royaume des cieux.

 

Gillion: Que dis-tu là? ( veut plonger sur Helmut qui prend son épée et menace de le tuer)

 

Helmut: Du calme.

Eh oui. Les croisés ont perdu leur héros.

 

Gillion: Que s'est il passé? N'avait-il pas conquis Jérusalem et instauré la paix dans  ce royaume?

 

Helmut: Après avoir secouru son ami Tancrède assiégé dans sa baronnie de Galilée, le roi Godefroid fête le succès. Puis il reprend le chemin de sa capitale                     

Jérusalem. Les émirs, les sultans lui envoient leurs émissaires. Ils renouvellent leurs serments de fidélité au terrible guerrier... Paisible et bon, Godefroid réserve à tous le même accueil loyal et courtois. Et Godefroid reçoit dans sa tente ces Infidèles revêtus de soieries. A Joppé, un émir lui présente des fruits de ses domaines, en gage de fidèle attachement. Le roi prend une pomme de cèdre. Devant l'émir, courbé dans une profonde génuflexion, il mord dans le fruit. Personne, dans son entourage ne remarque le sourire sardonique qui fend la face du mécréant... Et l'émir quitte la tente de Godefroid. Quand Godefroid quitte à son tour pour remonter à cheval, il chancelle brusquement. Son écuyer se précipite. Mais le roi ne répond pas à la question anxieuse. Il étouffe sous la cuirasse. On la lui enlève. Ses mains griffent sa poitrine où brûle le poison que l'infidèle a versé sans doute dans le fruit.

 

Gillion: L'ont-ils ramené à sa demeure.

 

Helmut: douloureuse, l'armée ramène son chef dans une litière. Comme un éclair, la nouvelle se répand dans tout le royaume. Les chrétiens placés au bord des routes pour acclamer le roi triomphant au retour d'une victoire, regarde passer le lugubre cortège. Les genoux ploient les bras se tendent vers le ciel. On dépose le roi mourant dans son humble demeure. Là où il reçut tant d'humbles sujets, là il conçut de généreux projets, là où il revêtit tant de fois le haubert et le casque pour des combats victorieux. Godefroid est étendu en proie à un mal inconnu.

        

 

Gillion: Tu me rassures. Il n'est pas mort seul.

 

Helmut: autour de sa couche, c'est un défilé ininterrompu de chrétiens alarmés. Ses vassaux accourent de tous les coins du pays. Le peuple vient aussi pleurer sur ce corps viril dont la vie fuit. Se proches réchauffent ses mains qui se meurent contre leurs poitrines. Les églises de Jérulasem regorgent de fidèles implorants.

 

Gillion: Mais Dieu a choisi cet instant pour récompenser son serviteur.

 

Helmut: Malgré ses souffrances horribles, Godefroid, qui s'abandonne à la volonté toute puissante de Dieu, console ses sujets. Il n'a pas assez de mots pour leur recommander l'union, la piété, la charité. Il les conjure de défendre jusqu'au bout l'héritage qu'il leur laisse. Et parmi les pleurs de la population chrétienne, au milieu des chevaliers impuissants et atterrés, l'ange vient cueillir cette âme du roi.

 

Gillion: je commence à te respecter. Tu as parlé de la fin de Godefroid avec amour. J'apprécie.

 

Helmut: Je l'aimais bien Godefroid.

 

Gillion: pourquoi l'as tu trahi alors?

 

Helmut: Il payait mal. Ici, avec le roi Soudan, je gagne cinq fois plus. Je suis nourri et blanchi en contrepartie de mes services. En plus, il m'a autorisé à former un organisme pour défendre les intérêts de ses hommes. Je vais appeler ça, le syndicatum. Je trouve que c'est un beau nom.

 

Gillion: tu le dis bon, ton roi. Mais cela ne l'empêchera de me faire trancher le col à la première heure.

 

Helmut: Ca!! Il fallait pas se faire prendre. Mais pas d'inquiétude, tu ne souffriras point. Et je serai là pour prier pour toi.

 

Gillion: je te remercie.

 

Helmut: Allons-y. Le roi nous attend.

 

NOIR

 

 

( le roi, Gillon et Médina.)

 

Le roi (mange. Il est dégoûté)

 

Gillion apparaît.

 

Le roi: Ainsi donc. C'est toi que l'on dit brave. J'espère que tu le seras encore demain. Ma fille, Gracienne, m'a demandé de te voir.

 

Gillion: Votre fille. J'ai croisé son regard. Ses yeux myosotis sont merveilleux. Deux superbes écrins qui ont illuminé mon esprit noirci par les exactions de vos spadassins.

 

Le roi: Mes spadassins n'ont rien à envier aux vôtres.

 

Gillion: Plusieurs de mes amis ont perdu la vie dans une ville assiégée par vos semblables. Ils assiégèrent la place en l'isolant du point d'eau. La soif mit les nôtres en telle détresse qu'ils en vinrent à ouvrir les veines de leurs chevaux et leurs ânes pour en boire le sang. D'autres lançaient  des ceintures et des morceaux de vêtements dans une mare, et ensuite exprimaient l'eau dans leur bouche. D'autres pissaient dans le poing d'un copain et buvaient. D'autres creusaient la terre humide, s'allongeaient sur le dos et se saupoudraient la poitrine de terre pour lutter contre la déshydratation. Ceux qui ne purent s'enfuir de cet enfer, furent séparés les uns des autres comme on sépare des brebis: les uns, après avoir été relâchés sur un signal, étaient tués à coups de flèches; les autres étaient vendus ou donnés comme du bétail.

 

Le roi: Si vous étiez venus chez nous sans intentions belliqueuses. Jamais, nous n'aurions agi de la sorte. Vous voulez le tombeau du Christ. Vous n'avez qu'à le demander. On vous l'aurait donné.

 

Gillion: Tous les hommes de votre rang n'ont pas la même sagesse.

 

Le roi: pourquoi toujours se battre? N'est-ce pas par la bonté plutôt que par les armes que s'établira l'harmonie entre les hommes et leurs religions?

 

Gillion: Mes propos rejoignent tes pensées. Si l'homme pouvait simplement aimer son prochain. Peu importe sa couleur.

 

Le roi: Un des mes ancêtres trouvait sa sagesse dans l'étude du ciel. Il disait toujours. La Terre est une poussière dans l'univers. En une chiquenaude, Allah

 

pourrait la faire disparaître. Nos vies sont fragiles et précieuses. Préservons les et apprenons-nous à nous connaître. Vous auriez pu m'apprendre beaucoup de choses.

 

Gillion: Vous aussi.

 

Le roi: mais il est trop tard. Le peuple ne comprendrait mon indécision.

 

Gillion: Et puis, Ahmed, votre bourreau est impatient de travailler.

 

Le roi: profitons encore de ces quelques heures pour discuter. Veux-tu partager mon repas?

 

Gillion: Mes chaînes.

 

Le roi: je te les enlève.

 

Gillion: Ne craignez-vous pas que je parte?

 

Le roi: Et où irais-tu? Ton regard est bon. Je te fais confiance.

 

Gillion( s'assied): Al ça fait du bien.

 

Le roi: Tiens prends cette viande.

 

Gillion: Pouaaa! ( recrache) C'est infecte.

 

Le roi: Avec un peu de vin, ça passe mieux.

 

Gillion: mais la supplice de la hache me sera plus doux que ce poison.

Ce n'est jamais dans mon pays que j'aurais mangé pareille horreur.

 

Le roi: et pourtant. Ce chef vient de ta patrie. Je te le présente. ( tire sur une corde) Je le fais venir. Ma fille rencontré cette personne qui lui a promis de tas de miracles. J'aurais dû l'engager.

 

Médina, la sorcière: Tenè. Tènè. Em vi copain Gillon.

 

Gillion: sorcière. Que fais-tu là?

 

 

Le roi: sorcière?

 

Médina: Non. cuisinière. Hein oui que je suis cuisinière. ( songe à ne pas mettre sa vie en danger)

 

Gillion: Oui. Cuisinière. Bien sûr. La plus mauvaise du comté de Hainaut.

Il lui manque l'imagination.

 

Médina: je sais cuire un œuf.

 

Le roi: ca. Je doute.

 

Gillion: fadaises (il sent l'œuf)

mais un œuf, c'est fragile. C'est le symbole même de la maternité. Regarde comme il est doux. Aucune aspérité à sa surface. Aime le. Un œuf cuit sur le plat doit rester ferme et percer selon ton bon vouloir sur un blanc légèrement crémeux.

 

Le roi: que j'aime cette façon de parler cuisine.

 

Médina: un œuf, c'est un œuf.

 

Gillion: faites commander le bourreau. Qu'il me débarrasse de ma tête au plus vite. Je ne veux plus entendre de telles sornettes.

Le bourreau n'est plus mon tourmenteur mais mon sauveur.

 

Le roi: Ne précipitons pas les événements. Vous savez concocter autre chose que des œufs.

 

Gillion: ma cuisine est si raffinée que même les excréments qui en sont issus sentent la rosée fraîche du matin.

 

Le roi: Ca me changera.

 

Médina: Et moi que vais-je devenir?

 

Gillion: Péris avec moi sur l'échafaud. Te laisser officier dans une cuisine royale serait un crime pour l'humanité.

 

Médina: Votre Majesté! Votre fille, mon amie, ne me le permettrait pas

 

Le roi: tu as raison. Je vais faire annuler l'exécution. J'invoquerai un quelconque échange diplomatique. Je te fais chef de ma cuisine.

 

Gillion: Merci. Votre majesté. Ce sera l'occasion pour moi d'utiliser de nouveaux piments. Vos contrées en sont riches.

Ensemble, nous découvrirons ne nouveaux horizons, de nouveaux mets.

 

Le roi: Ah. Si nos différends pouvaient se régler à coup de recettes plus géniales les unes que les autres.

 

Gillion: Majesté. Je serais le seul gagnant. 

 

Le roi: Il te faudra le prouver.

 

Gillion: aucun problème. La nature de votre contrée met à ma disposition des armes terrifiantes. Aucun palais n'y résistera. Cannes à sucre, dattes et bananes, j'userai à profusion.

 

Médina: Ce ne sont pas là les seules richesses.

 

Le roi: En effet, il existe d'autres particularités dont nous apprécions les beinfaits.

 

Médina: Les oranges et les citrons.

 

Le roi: les roses de Provins et de damas, les lis, le henné, la giroflée...

 

Gillion: Voyons ce que j'ai à portée de main. Des pêches et des raisins frais ou secs. Retenez ceci.

 

De même qu'à la noix s'ajoute le raisin

A la pêche, de même, on joindra le doux vin.

Le raisin cuit et sec est dommageable;

Il est bon pour les reins; à la toux favorable.

De pépins et de peau le raisin dépouillé,

Eteint le feu du foie et du phlegme brûlé.

 

Médina: avec un peu de bave de crapaud, ça fait aussi un excellent Népenthès

 

Le roi: Quoi?

 

 

Gillion: Elle part d'un excellent dessert contre la tristesse.

 

Le roi: Mettez-vous au travail. Je vais annoncer la nouvelle à mon bourreau.

Il s'en remettra.

 

Gillion: Où sont les cuisines?

 

Médina: Suivez-moi ( ils sortent et le roi aussi)

 

NOIR.

 

  • Scène 12

( au château. Herrad et Marie, enceinte et Amaury)

 

Marie: Reviendra-t-il? Je suis si inquiète.

 

Herrad: Vous savez la route est longue. Il va bientôt revenir.

 

Amaury ( en courant): Madame. Une affaire urgente m'amène auprès de vous.

 

Marie: Que se passe-t-il?

 

Amaury: Pouvons-nous rester seuls?

 

Herrad: Pas question.

 

Marie: Herrad. Je t'en prie.

( Herrad s'en va)

 

Amaury: Je crains être porteur d'une mauvaise nouvelle. Quelque part, Galilée, les hommes de Godefroid ont été attaqués. Gillon conduisait une escouade. Il fut pris sous les flèches de l'ennemi. Une d'entre elles a percé ce cœur qui vous était fidèle.

 

Marie: En êtes-vous sûr.

 

Amaury: Un commerçant, l'ayant lui-même appris, d'un Arabe me l'a appris. Ma source est plus que sûre.

 

Marie: Cette nouvelle nous bouleverse tous les deux ( sent son ventre). Je n'ose croire que le seigneur ait décidé d'appeler un des ses plus fidèles serviteurs.

 

Amaury: Vous pouvez compter sur mon soutien. Je m'en vais de ce pas rechercher l'une ou l'autre preuve de sa disparition. Pour vous, je vais braver les pires dangers. J'espère, qui sait, ramener votre Gillon. Quoi qu'il arrive, je vous serai toujours fidèle.

 

Marie: Merci pour lui. merci pour nous.

 

Amaury: après tout, il était aussi un peu mon frère.

 

Marie( seule)

 

Marie:

 

Gillion. Où que tu sois, à toi je serai toujours fidèle. L'amour que je porte en moi saura un jour combien tu fus brave et aimant. Tes bras entourant mon corps me manqueront toujours. Tes yeux observant ma gorge généreuse, jamais je ne les oublierai. Ton réconfortant sourire apaisant mes craintes résonnera toujours dans ma tête. Ta voix si douce et rassurante bercera mes oreilles jusqu'au jour où mes lèvres iront frémir à nouveau sous les tiennes.

 

Noir.

 

  • Scène 13 ( Gillion, Gracienne et Amaury)

 

Gracienne: Messire Gillon. Un homme demande à vous voir.

( elle sort)

Gillion: Au moment où je prépare la salade. Faites le entrer.

 

Amaury (entre): Gillon. Vieux frère.

 

Gillion: Amaury. Que fais-tu là?

 

Amaury: Je suis venu à ta rencontre. Pour te faire part d'une triste nouvelle

 

Gillion: De quelle nouvelle s'agit-il?

 

Amaury: Ton épouse est décédé peu de temps après ton départ. Sans doute, la tristesse.

 

Gillion: Elle si douce, si claire. Morte?

 

Amaury: Elle est morte après une longue agonie.

 

Gillion: Je vais demander au roi de ne plus me retenir prisonnier. Même si cette prison est un palais. Je m'y déplace comme je veux. Le roi m'a même fait son ministre.

 

Amaury: Je suis sûr que tu exerces ton pouvoir avec talent.

 

Gillion: Un pouvoir qui m'a fait oublier mes obligations dans notre bon village de Trazegnies. Tu devrais voir tout ce peuple de Babylone me vouer un culte plus fort que celui des gens de mon comté. Je leur ai apporté un peu de prospérité grâce au commerce que j'ai développé.

 

Amaury: Un homme d'honneur dans n'importe quelle situation. Ton retour chez nous est donc inutile maintenant. Reste donc ici. Plus rien ne te force à revenir au pays.

 

Gracienne (entre): Votre ami restera avec nous.

 

Amaury: Non. Je repars de suite. Le bateau qui m'a conduit à vous clandestinement s'en va.

 

 

Gillion: Tu crains de te faire prendre. Je comprends cet accoutrement qui fait très couleur locale ( Amaury est habillé en arabe) Tiens. Voilà un sauf-conduit pour le retour. Avec ça tu n'as plus rien à craindre.

 

Amaury: Nous ne nous reverrons plus. Ton avenir est ici. Puis-je garder un souvenir de toi?

 

Gillion: Tiens. Prends ce collier que Marie m'avait offert. Tu le garderas près de toi. Il te portera chance.

 

Amaury: Merci. Vieux frère et porte-toi bien.

( ils s'embrassent)( Amaury s'en va)

 

Gracienne: Qui était-ce?

 

Amaury: Un véritable ami.

 

Gracienne: Pourquoi ces larmes. Un preux chevalier qui pleure.

 

Gillion: Ces larmes sont avant tout celles d'un homme.

Approche-toi. J'ai un secret à te faire partager.

 

Gracienne( s'assied sur ses jambes): Que veux-tu me dire?

 

Gillion: C'était une femme. La plus douce que je aie jamais connue.

 

Gracienne: Merci pour le compliment.

 

Gillion: Malheureusement, le seigneur l'a rappelé à ses côtés.

 

Gracienne: Désolée. Mais sachez que cela ne changera en rien l'amour que j'ai pour vous. Si je puis être pour vous d'un quelconque réconfort.

 

Gillion: Je sais que je peux m'appuyer sur votre amour et celui de votre père.

 

Gracienne: Allez cessons de nous larmoyer. Le festin du roi n'attend pas. Je trouve qu'il a pris un peu de poids.

Je vais rejoindre Médina.

 

 

  • scène 14

( Amaury, Herrad, Marie, Le marchand Jehanne, le tavernier, les bandits)

( dans le château)

 

Marie: Alors ne sont-ils pas mignons. C'est leur père tout craché. Ils ont déjà sa voix.

 

Herrad: J'avais remarqué.

 

Marie: Je sens que leur père vit encore. Il va bientôt me revenir.

 

Amaury (arrive): Madame.

 

Herrad: Il vit encore, lui.

 

Amaury: Débarrassez-vous de cette mégère. L'heure n'est pas aux futilités. Marie, je suis porteur d'une affreuse nouvelle.

 

Marie: Gillon?

 

Amaury: Il est mort aux côtés de Godefroid, victime d'un affreux poison qui avait pris l'apparence d'une innocente pomme. Il s'en est allé dans la douleur. Son agonie a duré plusieurs jours.

 

Herrad: Notre maître, mort? Je préviens Anacréon...( Elle s'en va en criant): Anacréon!!!

 

Marie: En avez-vous la preuve?

 

Amaury: J'ai fait exhumer son corps et ôté ceci de son cou.

 

Marie: Le collier que je lui avais offert avant de partir.

 

Amaury: ca va?

 

Marie: Je pète des flammes, ça ne se voit pas? Laissez-moi me retirer dans ma chambre et pensé à mon amour perdu.

 

Amaury: Puis-je vous aider.

 

Marie: Merci. Vous en avez fait assez comme ça. Je vous en suis reconnaissante.

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Anacréon( arrive): alors, c'est vrai. Mon maître est mort.

 

Amaury: Plus raide que ça, on meurt.

 

Herrad: plus rien ne vous empêche de l'épouser maintenant. Mais je comprends votre stratagème, maintenant.

 

Amaury: Que voulez-vous dire?

 

Herrad: Vous avez fomenter le départ de mon maître en lui faisant croire que son épouse lui donnerait un enfant s'il partait en croisade. Vous l'avez fait assassiner.

 

Anacréon: C'est donc ça.

 

Herrad: N'approchez plus jamais de ma maîtresse.

 

Amaury: Folle. Simple folle.

 

Herrad: Si vous voulez épouser ma maîtresse, il faudra d'abord me tuer.

 

Amaury: Ne jouez pas avec le feu. Je suis capable de tout pour conquérir Marie.

( il sort. Il bouscule le marchand)

 

Le marchand: Oh là. pressé le chevalier.

 

Herrad: Le marchand de citrons et d'épices. Ce n'est pas trop tôt.

 

Le marchand: Excusez-moi. Il y avait du monde dans les ports. Traverser la mer, ça prend du temps aussi.

 

Anacréon: tant que la marchandise est là.

 

Le marchand: C'est de la bonne en plus.

 

Herrad: Ma maîtresse Marie l'adore. Je vais d'ailleurs la rejoindre.

 

Le marchand: Mes épices et mes citrons viennent de Babylone.

Dites. J'ai un client qui va se marier dans quelques semaines dans cette ville-là et il voudrait avoir du pain comme chez vous. Pouvez-vous me vendre un peu de votre grain?

 

Anacréon: Bien sûr suis-moi.

 

Le marchand: Dites. Ca ne me regarde pas mais l'ambiance à l'air lourde ici.

 

Anacréon: Ma maîtresse, Marie, a appris la mort de son époux, Gillon, lors de la croisade.

 

Le marchand: salle affaire, la croisade..

 

Anacréon: Et comment. Allons chercher ton grain.

 

Le marchand: en même, ne pourriez-vous me fournir quelques choux? Un autre de mes clients voudraient les exploiter dans sa demeure babylonienne.

 

Anacréon: des choux en Babylone, voilà qui est étonnant.

 

NOIR.

 

  • Scène 15

( Le marchand, Gillion, Gracienne et le roi.)

( décor de Babylone).

 

Gillion: alors, c'est à cette heure-ci que tu arrives. Je n'aurai jamais le temps de préparer le pain auquel ma future épouse voudrait tant goûter. Je n'aurai plus le temps de le préparer. Le mariage a lieu dans deux heures.

 

Le marchand: Ne m'en veuillez pas, mais les mers sont dangereuses. Un peu de retard aux alentours de Malte.

 

Gillion: Les excuses sont bonnes pour s'en servir.

 

Le marchand: En plus, le type avec qui j'ai négocié l'achat des choux n'était pas de plus collaborants. J'en ai passé des heures pour avoir des choux à bon prix.

 

Gillion: Tu as des choux?

 

Le marchand: trois caisses.

 

Gillion: Voilà qui va faire plaisir à Helmut. Il va pouvoir faire de la choucroute.

 

Le marchand: De la choucroute à des Babyloniens?

 

Gillion: Pourquoi pas? C'est ça aussi l'ouverture culturelle!!!

 

Le marchand: du moment qu'il en fait bon usage. Pas simple de négocier l'achat de ces choux avec Anacréon.

 

Gillion: Anacréon????

 

Le marchand: Oui. Un type dont le maître n'est pas revenu de la croisade. Tout comme sa maîtresse, épouse du maître, il avait grand chagrin.

 

Gillion: sa maîtresse?

 

Le marchand: Elle s'appelle. Marie" Vol au vent".

 

Gillion: D'Estrevant!!!!

 

 

 

Le marchand: Dure en affaires! Mais, enfin , j'ai obtenu de bonnes conditions.

 

Gillion: Cette  Marie est vivante!

 

Le marchand: Et comment! Son intervention m'a coûté la peau des fesses pour ces malheureux choux.

 

Gillion: ce que tu me dis est grave. Cette Marie...

 

Le marchand: Ah.

 

Gillion: Cette dame de Destrevant n'est autre que l'épouse que je croyais morte.

 

Le marchand: Mais, alors, il te faut donc annuler le mariage avec Gracienne.

 

Gillion: C'est inéluctable!

 

Gracienne (arrive): Alors, mon maître, vous avez les graines de votre patrie.

 

Le roi (arrive aussi): J'ai hâte d'y goûter.

 

Helmut ( arrive aussi): Des choux. Enfin. Ach. Je vais pouvoir faire de la choucroute. Ca fait longtemps.

 

Le marchand: Bon. Réunion de famille. Je vous laisse. Je retourne à mon commerce des citrons (il s'en va).

 

Gracienne: Mon maître. Vous avez l'air grave.

 

Gillion: Une triste nouvelle à vous apprendre mais qui aussi le réjouit le cœur.

Marie, l'épouse chérie que je croyais morte, est vivante. Mais, alors, que j'y pense. Amaury??? Pourquoi a-t-il menti? C'est simple. Celui que je croyais mon ami m'a trahi. Il éprouvait à l'égard de Marie un sentiment amoureux que je n'ai jamais soupçonné.

 

Gracienne: Mais que me dites-vous là?

 

Gillion: Marie vite encore. je vais la retrouver.

 

 

 

Le roi: Tu ne peux point. Ta fidélité à l'égard de mon peuple. N'oublie pas que je t'ai fait ministre de notre commerce. Tes avis me sont précieux dans la gestion de mon pays.

 

Gillion: Majesté. Je vous remercie de votre bonté. Mais votre générosité comprendra que le devoir m'appelle ailleurs.

 

Gracienne: Papounet. Il me plaque!!!

 

Le roi: Comment combattras-tu le chagrin de ma fille? Son cœur, encore trop jeune, ne supportera jamais pareille rupture.

 

Gillion: Voyons, Majesté. Comment un barbon comme moi aurait pu la satisfaire. Un jeune prince lui conviendrait mieux.

 

Gracienne: Papounet. Aide-moi.

 

Le roi: je ne puis accepter pareille attitude. Ahmed!!!.

 

Ahmed: Bourreau. 24h sur 24. Je suis là. Il faut exécuter quelqu'un.

 

Gillion: Majesté. En tout point, je vous fus fidèle. J'ai fait prospérer votre commerce, ai éperonné des relations amicales avec l'Occident. J'ai fait ma part.

Helmut pourra me remplacer sans problème.

 

Helmut: ya ya. Mon programme tient en quelques mots: choucroute pour tout le monde   

 

Le roi: Tu as raison. Je dois le reconnaître.

 

Gracienne: Et loi. Qu'est-ce que je deviens?

 

Gillion; Vous trouverez l'homme de votre vie. Votre beauté en exaltera plus d'un. Je ne m'inquiète guère. Mais votre bonté d'esprit comprendra que mon devoir m'appelle ailleurs. Je vous souhaite ( l'embrasse) tout le bonheur du monde.

 

Helmut: J'espère que nous commercerons encore ensemble.

 

 

 

 

Gillion: Ne t'inquiète pas, Helmut. Nous avons initié des relations commerciales que rien ne pourra arrêter, même pas d'autres croisades, si tant est qu'il y en ait d'autres.

 

Le roi: Il y en aura d'autres. L'esprit maléfique de l'homme en est friand.

 

Gillion: Et c'est bien dommage qu'il n'y ait dans notre monde autant de sages que toi.

 

Le roi: Je te remercie. Je regretterai le brillant politicien que tu fus.

 

Gracienne: Et moi, l'amant que tu aurais pu être.

 

Helmut: mais pas le brillant cuisinier. Je suis là pour te remplacer aussi. Je m'occuperai des cuisines également. Ne t'inquiète pas.

 

Le roi: de la choucroute tous les jours!!! ( résigné)

 

Le marchand (revient): Vous vous grouillez. Si vous voulez profiter des bons vents pour rejoindre au plus vite votre dulcinée, il faut vous dépêcher.

 

Gracienne: prenez garde à vous.

 

Le roi: Pour assurer ta garde, j'ordonne à notre bourreau de t'accompagner et demanderai à Médina de te servir pour le restant de ta vie. On a toujours besoin d'une cuisinière. Fut-elle mauvaise.

 

Gillion: La bonne affaire ( embêté). Je vous remercie, bon roi. Et que mon départ n'entrave en rien les bonnes relations commerciales entre nos deux contrées.

Adieu!!!

 

NOIR.

 

Dans le château.

  • scène 16

Amaury: alors acceptez-vous de m'épouser?

 

Marie: Oui. Mais sachez que c'est uniquement pour offrir à mes enfants la protection d'un père.

 

Amaury: Ne vous inquiétez pas j'apporterai à vos enfants loyauté et protection.

 

Marie: dans le fond, pour combler ma solitude, autant accepter votre demande en mariage. C'est d'accord. Fixons au plus vite une date.

 

Amaury: Merci ma dulcinée. Vous avez pris la bonne décision et je m'en vais de ce pas préparer nos noces.

 

Herrad ( elle intervient): Quoi? Vous pensez épouser ma maîtresse alors qu'elle n'a même pas enterré le deuil de son époux.

 

Marie: ne fais point obstacle à cette union.

 

Herrad: Oh si je le ferai. Ne voyez-vous pas que dans les yeux de ce  pervers se lit le regard de la trahison. Je ne sais quel complot il a fourbi pour obtenir votre main, mais je vous garantis que Anacréon et moi, nous nous opposerons à vos épousailles.

 

Amaury: Débarrassez-vous de cette entrave à notre amour.

 

Marie: sortez. Amaury

 

Amaury: Mais...

 

Marie: Je vous le demande.

 

Amaury: Vos désirs sont des ordres. Je m'en vais.

 

Marie et Herrad restent seules.

 

Marie: De quel droit devrais-je rester sèche en amour. Gillon fut mon véritable amour mais Dieu l'a rappelé à ses côtés. Qu'y puis-je? Mon destin a croisé celui

 

 

Marie: d'un autre amant dont je ne doute pas de la fidélité. De son nuage, Gillon ne peut qu'approuver ma décision.

 

Herrad: maîtresse. Grâce. Ne faites pas confiance à cet histrion. Il vous a déjà trahi.

 

Marie: Qu'en savez-vous?

 

Herrad: je le sens. Mes sens ne lui font pas confiance.

 

Marie: Tes sens. Comment peux-tu leur faire confiance?

 

Herrad: mes bons sens vous ont apporté descendance.

 

Marie: Quoi? C'est le seigneur qui m'a apporté mes deux bambins.

 

Herrad: Faux: Vous ne souffriez point d'infertilité. Sans mon intercession auprès de Médina, notre sorcière de quartier, je n'aurais jamais trouvé le breuvage apportant virilité à votre époux qui en en avait bien besoin.

 

Marie: Malgré ce breuvage miraculeux, il est parti pour moi.

 

Herrad: Il l'avait bu avant son départ. Mais votre esprit borné n'a rien voulu comprendre. Si vous l'avez perdu, c'est de votre faute.

 

Marie: Tes paroles sont comme un poignard dans mon cœur. Laisse-moi pleurer sur ma misérable attitude.

 

Herrad: Maîtresse. Ne m'en veuillez pas. Mais mon cœur était trop chargé de douleurs, j'ai voulu l'alléger. Pardonnez-moi d'avoir été aussi cruelle.

 

Marie: Je ne t'en veux point. Laisse-moi avec ma conscience.

 

NOIR.

 

A bord du bateau.

  • scène 17

Le marchand: allez. Souquez plus fort les gars.

 

Gillion (il est malade): C'est ça. Souquez. ( il vomit)

 

Ahmed: il n'a pas le pied marin. Pauvre homme.

 

Le marchand: Un peu de citron, ça devrait lui faire du bien.

 

Ahmed: Peut-être.

 

Le marchand: Lui qui n'aime pas l'eau. Quel supplice?

 

Ahmed: ah. si il est question de supplice.

 

Gillion: mais dépêche-toi....

 

Le marchand: tenez le coup.

 

Ahmed: ah. le cou?

 

Le marchand: c'est pas le même coup. Les vents nous sont de plus en plus favorables. On arrive, Messire!!!!

 

 

 

 

 

 

 

  • scène 18( dans le château)

Jehanne arrive en courant.

 

Jehanne: Maîtresse Herrad, dépêchez-vous.

 

Herrad (en peignoir): Mais que se passe-t-il ?

 

Jehanne: Herrad, votre amant, a eu un accident. Il vous attend à l'auberge.

 

Herrad: rien de grave.

 

Marie (s'est levée): que se passe-t-il?

 

Herrad: rien de grave.

 

Jehanne: Rien de grave qui ne nécessite votre présence.

 

Marie: Bon. Bee, je vais me recoucher( s'en va).

 

Herrad: allons-y.

( elle s'en vont. Un noir très court)

 

Jehanne: faites attention. Il ne faudrait tomber à quelques jours du mariage de votre maîtresse.

 

Herrad: mariage. Il n'y aura point. Anacréon, au fait. Qu'a-t-il?.

 

Jehanne: Rien de bien méchant.

 

Herrad: Il a encore trop bu.

 

Jehanne: Nous voilà arrivés à l'auberge.

 

Herrad: alors. où il est ce chenapan?

 

Jehanne (met un couteau sous la gorge de Herrad). Ne bouge pas.

 

Herrad: mais.

 

 

Amaury (entre): Merci ma fidèle complice.

 

Jehanne: De rien. Messire. Vous me payez assez cher pour accomplir vos sales besognes. De plus le début, je vous suis fidèle. Reconnaissez que je suis plus efficace que vos spadassins. Si je n'avais pas flanqué un sérieux coup de pied au postérieur d'un de vos nervis chargé de tuer Gillon, ce dernier les aurait coincés et ils vous auraient dénoncés.

 

Un des bandits: Oui. Je me souviens de ce coup de pied au cul. J'en ai gardé la trace pendant deux longues semaines.

 

Amaury: C'était encore trop court.

 

Jehanne: Justifie ta solde. Emmène celle-ci à la cave auprès de son Anacréon dont j'ai facilité la capture grâce à mes charmes. Qu'est ce qu'il peut être influençable celui-là. Un petit sourire et hop, il est berné.

 

Herrad: Tu me le paieras.

 

Jehanne: tais-toi.

 

Amaury: Plus rien et plus personne ne s'opposent à notre mariage. Dans quelques heures, Marie m'épousera.

 

Jehanne: J'espère que vous ne m'oublierez pas. Depuis la mort de mon pauvre père, Adhémar, je suis dans le besoin.

 

Amaury: Ne t'inquiète point. Tu auras droit à quelques terres. Je ne t'ai pas oubliée.

 

Noir ( musique)

  •  scène 19

( Jehanne,les 3 bandits, Herrad, Anacréon, Gillion, le marchand, le bourreau, Médina)

L'auberge comme décors

 

Gillion: Gente demoiselle. Me reconnais-tu?

( les autres sont là aussi: Ahmed, le marchand, Médina)

 

Jehanne: Oui ( gênée). Que puis-je pour vous?

 

Gillion: Apporte-nous à boire. Echange nos chevaux également!

 

Jehanne: Bien. Messire. ( embêtée, elle part)

 

Ahmed: C'est pas mal ici.

 

Médina: Y 'a quelque chose qui me choque ici.

 

Le marchand: C'est sympa, ici.

 

Ahmed: je vais visiter. Il faudrait réquisitionner ça. En catimini, je vais visiter la cave. Ca pourrait peut-être faire d'excellentes chambres de torture. Je vais voir ( s'éloigne)

 

Le marchand: Je vais leur proposer mes produits.

 

Médina: Ils en voudront jamais.

 

Gillion: Nous n'avons pas le temps de discuter.

 

(Les 3 bandits arrivent)

 

Jehanne: Tuez le!!!!

 

Gillion: Traîtresse. Tu es donc à leur solde.

 

Le 3 bandits sont face à Gillion.

 

Le marchand: Moi. je n'ai rien à voir. Je suis en commerce.

( il se retire)

 

 

Ahmed ( arrive): dites. En fouillant les caves. Voyez ce que j'ai découvert. Deux malheureux prisonniers ( ce sont Anacréon et Herrad).

( le combat se poursuit. 3 contre 1)

 

Anacréon: Maître. Vous êtes vivant.

 

Gillion: Et si tu veux que je le reste. Aide-moi.

 

Ahmed et Médina: Comptez sur nous aussi. ( Ils s'accrochent au dos d'un des bandits qu'il finissent par assommer)

 

Herrad: Et moi aussi ( elle relève ses manches et se bat contre Jehanne qu'elle finit par assommer)

 

Médina: Si j'avais une poupée sympathique, ça irait mieux.

 

COMBAT

Les trois bandits finissent par s'enfuir. Anacréon les suit.

 

Ahmed: On les a eus.

 

Jehanne ( se relève): Je suis perdue.

 

Herrad: avoue tout avant que le bourreau ne te tranche le col.

 

Ahmed: Ah. Tout de même. Ce n'est pas trop tôt.

 

Médina: Un peu de sang de jeune femme. Ca peut toujours servir pour mes concoctions.

 

Jehanne ( est à genoux. La nuque offerte à l'épée dont Ahmed s'est emparé. Ahmed prend la mesure. Gillon s'est détourné)

 

Jehanne: J'étais dans le besoin à la mort de mon père. je ne savais plus vers qui me tourner. Mon père ne m'avait laissé que dettes en héritage. Amaury m'a offert de m'aider pour autant que je l'aide à occir tous ses ennemis. Pour éviter de perdre mon auberge. Mon seul bien. J'ai accepté. J'ai péché. Je le reconnais. Il ne me reste plus qu'à mourir. Bourreau, je compte sur ta dextérité pour ne point me faire souffrir (elle ferme les yeux)

 

 

Médina (approche une coupe pour récupérer le sang): Attends. C'est pour récupérer son sang. Ca peut servir le sang d'une veirge

 

Jehanne: Je ne suis plus vierge.

 

Médina: tant pis. On fera avec.

 

Gillion ( Ahmed se prépare à frapper. Son épée est posée sur la nuque de Jehanne qui a le cou tendu et les yeux fermés. Elle est prête à mourir): Ahmed. Baisse ton épée.

 

Jehanne: Pourquoi, Messire. J'ai l'âme sereine et je suis prête à recevoir la mort.

 

Gillion: Tu ne vas pas mourir. Ahmed, fais ce que je t'ai ordonné.

 

Ahmed: C'est trop injuste. Je m'étais fait une fête de trancher un si joli col.

C'est trop injuste ( il s'en va en tapant son épée à terre)

 

Gillion: Tu es la victime d'une âme bien plus perfide que la tienne.

 

Jehanne: Une âme qui se prépare à épouser votre Marie tant aimée.

 

Gillion: merci de me l'avouer. Pour avoir le pardon de Dieu, je t'ordonne

 

Jehanne: Ordonnez, Messire, vous sans qui ma tête serait sur le sol à l'heure actuelle.

 

 Gillion: Le brave marchand, Albert, aura besoin d'aide pour faire connaître et vendre les produits dont il fait le commerce avec l'Orient. Tu l'y aideras de toute ta force.

 

Jehanne: Cette peine est douce, Messire. Merci de m'avoir épargné la vie.

 

Gillion: Va prendre tes ordres auprès de ce noble marchand flamand dont je t'ordonne d'apprendre aussi la langue.

 

Jehanne ( se lève et s'en va): Ja. Mijnheer!

 

 

 

 

Anacréon (revient plein de sang): Voilà. Je les ai occis tous les trois. Ca fait du bien. Ils ne nous embêteront plus.

 

Herrad: Quel combattant.

 

Anacréon: Tant de couardises ont décuplé ma force.

 

Gillion: Reste ici. Je vais rejoindre au plus vite Marie. J'espère qu'elle n'a pas pris encore en épousailles ce maudit Amaury dont je vais régler le sort à la pointe de cette fidèle épée.

 

Médina: Il est sur le point d'arriver( les autres la regardent) Eh. On est sorcière ou on ne l'est pas.

 

Anacréon: Je vous accompagne.

 

Gillion: Non. Je vous ordonne, à toi et Herrad, de rester ici. Vous devez rester vivants pour que je puisse bénir votre union.

 

Herrad et Anacréon: on ne s'aime pas.

 

Médina: Vous vous foutez de sa gueule! (Anacréon et Herrad s'enlacent et s'embrassent).

 

Gillion: A plus tard!

 

NOIR.

 

 

  • ( scène 20)

( dans le château. Marie est seule)

 

Marie ( elle parle à ses enfants dans le berceau)

 

Mes doux chéris. Dans quelques instants, je vais mettre fin à mon ignoble vie, en me jetant, à l'image de Sapho, du haut de la tour de notre château qui me servira de rocher.

Je ne voudrais que vous ayez plus tard en face vous une mère dont la candeur a entraîné la mort de votre père. Un jour, vous découvririez la vérité. Mon infamie est trop grande pour que je puisse supporter vos regards accusateurs. Je m'en vais rejoindre votre père. Herrad et Anacréon à qui je confie tous mes biens s'occuperont de vous avec autant d'amour. Par fidélité pour Gillon, je préfère m'agenouiller devant Dieu que devant Amaury... ( elle s'éloigne en embrassant une dernière fois ses enfants et se dirige vers la tour)

( elle s'éloigne et se prépare)

 

Autre plan( supposé représenter le bas du château)

 

Amaury: Marie. Ouvrez la porte!

 

Gillion (arrive): tu es là. Faux frère. Et moi qui te faisais confiance. Tu espérais épouser Marie en me faisant croire à sa mort.

 

Amaury: J'ai toujours aimé Marie. Comme a-t-elle pu tomber amoureuse d'un imbécile comme toi. C'est moi qu'elle devait épouser.

 

Gillion: C'est ton cadavre qui se présentera à elle

 

Amaury: C'est ce qu'on verra.

 

( ils se battent. Un moment, Amaury a le dessus)

 

Amaury: prépare-toi à mourir.

( Amaury lève son épée mais il la lâche de suite. Il a une douleur dans le dos)

 

Médina( arrive avec une poupée sympathique. Elle est avec Herrad)

 

Herrad: c'est efficace, cette poupée. Messire Gillion ( elle regarde vers le haut de la tour et Gillion est encore étendu), partez rejoindre votre Marie sur la tour. Vous

 

 

Herrad: ..croyant mort à cause d'elle, elle veut sans doute mettre un terme à ses jours. Prouvez lui que vous êtes vivant.

 

Médina: Regarde. Je retire l'épingle du dos et la douleur disparaît.

 

Amaury ( à genoux. Se relève. N'a plus de douleur dans le dos)

 

Médina: Une douleur à la tête? Un coup d'épingle dans la tête.

( Amaury a mal à la tête)

 

Amaury: Ah ma tête

 

Herrad: Ca marche pour tout le corps.

 

Médina: Ouais

 

Herrad: génial. Et si ( chuchote aux oreilles de Médina)

 

Médina: Non. t'es une vicieuse.

 

Herrad ( allez...)

 

Médina: D'accord. Si ca peut te faire plaisir (elle pique)

 

Amaury: Ah. ca fait mal ( il a les mains posées sur ses parties génitales)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • scène 21

 

Marie est sur le point de se jeter dans le vide.

Gillion la rattrape à temps.

 

Gillion: Mon amour. Je suis là.

 

Marie: Oh vous êtes vivant. C'est un miracle.

 

Gillion: Vous, dans mes bras, je revis.

 

Marie: Pourquoi n'ai-je pas eu plus de foi en vous?

Fort, vous étiez à même de vaincre tous les obstacles. Je n'ai pas cru en votre force. J'ai honte.

 

Gillion: Amaury s'est joué de vous. Vous n'y pouvez rien.

 

Marie: Amaury sera toujours un obstacle entre nous.

 

Gillion: Je le ferai exécuter pour haute trahison. Le comte de Hainaut me soutiendra. En Hainaut, nous n'avons que faire des lâches et des perfides.

 

Marie: Messire. J'ai trop fait souffrir mon entourage. Je reste en vie pour que vos enfants aient une mère mais laissez-moi agir à ma guise, je vous en prie. Pour notre amour......;

 

NOIR

 

  • Scène 22

( le descendant du marchand habillé en guide ( accent flamand) et le descendant du bourreau habillé en civil. Il est le visiteur)

( sur l'écran; les portraits de Gillion et Marie)

 

Guide: Eh voilà. ainsi, se termine l'histoire. Marie entra dans les ordres à l'abbaye de l'Olive de Mariemont où elle expia tous les péchés dont elle s'était chargée.

 

Le visiteur: et lui?

 

Le Guide: Un messager vint lui dire qu'Helmut et le roi avaient besoin de ses services. Comme plus rien ne le retenait à Trazegnies. Il retourna à Babylone où il mourut au combat. C'est du moins la version officielle.

 

Le visiteur: Il y en a une autre?

 

Le guide: il serait mort de ne pas avoir digéré une choucroute trop lourde. Mais, ça, c'est la légende.

Quant aux autres. Médina poursuivit ses activités et devint la sorcière attitrée du comte. Jehanne et Le Marchand devinrent de prestigieux commerçants. Herrad et Anacréon s'occupèrent du domaine et des enfants de Gillon. Gracienne épousa Helmut.

 

Le visiteur: Et le bourreau.

 

Le guide: Il devint fou. Il perdit la tête. Un comble pour un bourreau.

 

Le visiteur: Ah quelle aventure. Et dire que de tout ça, il ne reste qu'un château aux murs imprégnés d'histoires légendaires. Plus aucune influence humaine. Rien que des briques. Il n'est rien resté de tout ça.

 

Le guide: Eh oui. ( discrètement) Dites. En dehors de mes heures, je vends certaines matières. De la dentelle ( sort de la dentelle de sa poche) venue de Flandres. C'est de la bonne, tu sais. Mes ancêtres en vendaient déjà au Xième siècle.

 

 

NOIR.

 

FIN